" Les yeux sont des moteurs, pour aller dans l'autre sens,
vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves,
les choses de cette nature,...
Alors, parfois, les femmes ont des yeux très bleus".
J.M.G Le Clézio - Mydriase - Vers les icebergs.
De quoi parlerions nous si ce n’est de cette monumentale errance ?
La monnaie de l’échange, c’est cette marche qui entraîne l’esprit là où le corps commence son combat.
Dans les vergers de la nuit, à chaque visage prochain, sur les lettres
d’un fleuve, miser sans cesse son va tout au passage d’un renaître.
Là- bas, sous les toits, sur un pont, à la portière des trains,
pour quoi parlerions nous si nous étions seuls,
chacun loin de tous ,
à savoir l’inquiétude de ces pas ?
Elle ne répond ni à la peur, ni au doute, ni à l’incertitude.
Elle résiste aux raidissements des pensées de système et aux emportements des systèmes de pensée.
Elle maintient tout système dans ses formes méthodologiques et le garde de verser dans des absolus.
Elle
ouvre l’identité sur le rapport à l’Autre et sur le change qui provient
alors de l’échange, sans que cette identité en soit perturbée ni
dénaturée.
Elle est la pensée sismique du monde qui tremble en nous et autour de nous.
Elle
en revient à ce passage, à ce suspens du jugement, et peut-être de
l’Etre, que Montaigne a si génialement prétendus, comme à la
fréquentation, non à la possession, de la terre, proposée par les
pensées amérindiennes, comme à la fonction tellurique de la lignée des
ancêtres, jamais close ni excluante, chantée par les peuples de
l’Afrique des Griots. Les catastrophes frappent le monde, l’espoir vient
aussi de partout. »( traité du Tout-Monde, extrait)
«
La pensée archipélique est une pensée du tremblement, qui ne s’élance
pas d’une seule et impétueuse volée dans une seule et impérieuse
direction, elle éclate sur tous les horizons, dans tous les sens, ce qui est l’argument topique du tremblement. Elle distrait et dérive les impositions des pensées de système.
Le
Monde tremble, se créolise, c’est-à-dire se multiplie, mêlant ses
forêts et ses mers, ses déserts et ses banquises, tous menacés,
changeant et échangeant ses coutumes et ses cultures et ce qu’hier
encore il appelait ses identités, pour une grande part massacrées. La
pensée archipélique tremble de ce tremblement, bouleversée de ces crises
géologiques, traversée de ces séismes humains, elle repose pourtant
auprès des rivières qui enfin s’apaisent et des lunes qui languides
s’attardent. Mais elle n’est pas, cette pensée, un seul emportement
indistinct, ni une plongée sourde aux profondeurs, elle chemine selon
des réseaux qui s’attirent et qui n’abandonnent aucun donné du monde
loin du monde. Elle ouvre sur ce que Montaigne appelait « la forme
entière de l’humaine condition », la forme, non pas l’Un, ni une essence, mais une Relation dans une Totalité.
Le tremblement est la qualité même de ce qui s’oppose à la brutale univoque raide pensée du moi hormis l’autre.
Aurons-nous la hardiesse de rapprocher ces limailles, sans trop
attendre de la compassion n’est souveraine que quand elle exige
résolument et continûment la justice, la loi n’est juste que quand elle
s’inspire sans limites de la pensée du Tout."
" le pentaptyque de l'Eglise de Sallertaine" deJacques Kerzanet, peintre
et
" Sa douleur ", texte
d'Astrid Shriqui Garain, poète
" Revêtir l’image,
tel est bien l’enjeu de toute la création." Georges Didi-Huberman,
" L’image ouverte, Motifs de l’incarnation dans les arts visuels", extrait.
"Sa douleur n’est rien.
Elle n’est rien encore.
Elle se voudrait dire néant.
Mais Néant est un mot.
" Crucis " de JacquesKerzanet,
acrylique 90x120cm.
...Sa douleur n’est pas le commencement
du mot
une énigme ou un prétexte
l’usurpation d’un geste....
« Christus, descendens de cruce »
de JacquesKerzanet,acrylique 90x120cm.
La douleur n’est rien
Elle n’appelle et ne susurre que son cri
Rien est douleur.
Rien que sa main qui se presse
et mon poing qui répond à l’ombre
qui ne dit rien
...Rien,
l'ombre n’est rien qu'une douleur de la nuit
une trace de ce que la lumière a écrit
Ma douleur n'est
rien
que ce que mon poing arrache
au papier dépeint de son cri...
« descensum ad corpus » de JacquesKerzanet,acrylique 90x120cm
Rien est sans douleur.
Un morceau d’écorce qui tombe profondément de la nuit.
Et le néant n’est qu’un mot que dessine des ombres
qui font entendre au cœur de la vie sa douleur qui pousse son cri de la nuit La douleur n’est plus