samedi 14 décembre 2013

GPS

 

 

 

 Ne vais non pas te dire la ligne ou plus juste le plan et puis ça le quai et renoncer ailleurs enfin demander ou alors tout déchirer et plus loin un peu traîner encore au cœur fait et puis respirer dernier arrêt le regarder la regarder les voir les entendre et puis penser à te dire oublier encore sans savoir te souvenir me tenir à la barre à une table glisser entre le mur et le bout du ticket défiler mélanger soleil en nuage entre moi poussière et toi ferraille tenir souvenir un mot un creux un son un sens un nom une bosse lécher pierre gratter mémoire reste reste papillon blanc mon oeil ne bouge pas passe en retard du bout des doigts aide moi par trou de soucis en nage passer appui debout et apprendre marcher encore mordre le ciel gravier vouloir un pas pour l’autre pas pourquoi trouver chemin le mot un son mon nom souffler buée cristal brûlé couloir lumière guide étagère bruit larme à cloche pied demander ne rien vouloir prendre avancer reprendre grille le temps pluie comprendre seulement entendre une main dans les roseaux et suivre marcher flaque à brise pied refuser passé si tôt voilà retard hagard pas trop grave allée mais si porte regard froid de cheminée sourire encore à l’ oiseau en papier parler à ses pattes d’escalier à ses plumes d’oreiller parler à l’arbre à la corbeille d’acier au miroir, à ta veste au cendrier prendre lettre dans ciseau puits tiroir pierre à mon cou oui je vais dire toute feuille sur le quai gouffre mémoire la route pavés roulés boulets jetés tout oublier maintenant vider mes chances au fond de l’évier. Me rappeler. Oui. Maintenant souvenir déplié. Ranger le silence dans la journée. 


Astrid Shriqui Garain, décembre 2013

jeudi 30 mai 2013

Tu pourras

 

Tu peux dans l’ignorance de tes gestes,
la maladresse de tes choix,
dans la timidité de ton souffle,
dans le renoncement de tes mots,
tu pourras.

Tu peux dans la paresse de ta peau,
l’oubli de tes combats,
dans la rigueur des heures,
dans l’abandon de ta route.
tu pourras.

Tu peux dans l’ivresse, dans l’exil, et dans le mime.
Tu peux dans le moindre,
dans l’étroit,
dans le peu.
dans l’ombre et sous la cendre.
tu pourras.

Tu peux dans le silence, et dans l’opaque,
Tu peux dans la fuite, et la dérive,
dans l’exact, le précis et le droit.
Tu peux à l’abri,
au centre de ta terre
sous l’épaisseur du chaume
dans la quiétude de tes portes.
Tu pourras.

Tu peux sans doute,
sans effroi,
sans crainte,
sans toucher et goûter
sans même te déchirer
t’user, et te saigner,
ni te risquer.
Tu pourras.

Tu peux
sans rien tenter
sans défendre
sans te blesser
sans regretter
Tu peux
feindre tout.
Tout,
même toi.
Tu pourras.
…Tu crois ?

 

Astrid Shriqui Garain, mai 2013 

vendredi 10 mai 2013

M.D, Marguerite Duras

 

 

Marguerite Duras

Elle ouvre passage.

Son rythme c’est la déchirure.
Son souffle, la réappropriation.
L’absence, son écriture
Ses mots, l’empreinte du manque
Ses images, la lecture du passage.

Sa folie – la mémoire de l’esprit
qui tranche, sur les bris de la vie,
nos absences, dans le silence de nos cris.

Pour s’écrire, jusqu’au soir de sa vie,
aussi nettement que ça,
sa main,
ce jour là,
ne tremblait pas.

 

                                            Astrid Shriqui Garain, mai 2013


 

mardi 23 avril 2013

Alignez-vous

 

Alignez-vous
Groupez-vous,
Poussez-vous,
Bon sang,
Alignez-vous !

Qu’il ne reste
qu’une seule crête
une seule mire,
une seule ligne
une seule gueule,
un seul front.

Alignez-vous,
Allez, génuflexion !
Genus de santons !
Ensemble à l’unisson !
Sauvegardez votre maison !
Ratissez vos rigatons !
Crachez et respirez en tous.
Soyez pétris.
Soyez gentils.
Que vos lèvres se scellent.
Que l’esprit s’empale sur le grill
Que rien ne vous réplique !
Soyez parfaitement unique !
Soyez polis dans le sel de vos salives.

Que la nuit vous enferme…
pour vos clopinettes
Pour la gloire…
de vos majorettes
Au son de …
vos trompettes
Et qu’au terrain des supplices
vous soyez pris dans le goudron.

Allez, alignez-vous !
Qu’ injustice persiste,
et que le vide nous assiste.
Rayer de cette ligne
le doute et les possibles.
A la santé de vos souhaits !
Mâchez en tout votre vrai .
A votre sacrée peur
portez l’absence de vos pensées.

Alignez-vous
Groupez vous, poussez vous,
Bon sang,
Alignez-vous,
qu’il n’y ait
qu’une seule crête
une seule mire,
une seule ligne
une seule gueule,
un seul front.

Que je puise
sans pieu ni mètre
de mes mains
enfin faire ce carton !

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

lundi 22 avril 2013

Les meutes en procession

  

Crédits photo : Vicki Jauron, Babylon and Beyond Photography - Getty

 

 

Aux pieds des mono-tons et des infâmes
l’usure encorne les retables.

 

Grande porte à la hanche du diable !

Renifle bien le bruit de leurs étables !
Écoute, les chiens s’approchent!

A leurs bois pesants et lourds
vient pendre la nacelle des vautours.

Il faut croire que la plaine
rampe dans le remugle des vilains jours.

Il fait noir soleil sur la croix d’or
Il sont si bruns de tout leur sort.

Il connaissent si bien la haine.
C’est elle qui les engrosse et les fait naître.
Ses pleines mamelles tressent
les fils croisés de leurs crochets.
C’est elle qui dresse si fort cette langue
au bout de leur queue enfiellée.

Et c’est son laid qui dessine sur leur face cette bouffonne
grimace qui leur tient si mal de vilaine farce.

Écoute, on tient les chiens en laisse !
Ils sont nombreux peut être,
mais regardent comme ils sont peu.

Ils bottent déjà l’azur.
Ils casquent la devanture.
L’insigne porte à leur gorge
la bave noire de leurs méfaits.

Cherche le maître et tu auras la bête !

Paris est pleine de hyènes,
ça pue l’ordre et puis quarante,
ça pue les bruits de glace.
Ça pue le bûcher de nos sonnets.

Les chiens sont dans la rue
N’attends pas l’ordre du maître
Il t’en reviendra des cendres.

Les chiens couvrent toujours l’émeute.
Ils tirent sur leur laisse,
c’est leur instinct qui les commande.

Il fait soleil noir sur la croix d’or
Il sont si bruns de tous leurs pores.

Ne laisse pas, les chiens porter l’auge du maître.
Abats le maître,
et tu chassera ses bêtes.

Les chiens, dis toi que ça se fait taire,
sinon, c’est eux qui te jetteront en terre.

 

        Astrid Shriqui Garain, 04.2013 

vendredi 19 avril 2013

Le chevet

 

 "Antigone, consolatrice", Giorgio de Chirico

 

Il suffit qu’une nuit pleine de démesure,
heurte ma raison et se fracture
Pour que je saisisse toute sa lecture.

Il faut alors que je me rende à mon chevet
et, bien long temps, rester,
Veillant à ce que l’obscur ne récite pas son chapelet.

Et c’est dans le recueil du jour que je m’endors
lorsque la nuit, enfin, s’échappe d’un mauvais sort.

Extrait du recueil « Ynys Avallach »,
Les éditions du Littéraire – La bibliothèque de Babel
juin 2014 – ISBN-13 : 978-2919318223

mercredi 17 avril 2013

Mk II - 613

 


Des grenades sur les étals du marche Mahane Yehuda de Jérusalem. Crédit : Flash 90

 

Quand tu portes ton cœur à tes lèvres
Ne le lâche pas
Ne tremble pas
Mets le bien entre tes dents
Serre le
Et n’hésite pas.

Tire d’un coup sec.

Balance le aussi fort, aussi loin
que si tu jetais ton dernier filin

Le bruit

        c’est rien
        

        Les pierres  

        c’est rien


         Les cris 

         c’est rien


         Si tu avais ton cœur entre les mains
         Pas vrai ?
         çà ,c’était pas pour rien.

  N’oublie pas…

cinq secondes !
Cinq secondes pour percuter le monde
Cinq secondes
Pour reprendre ta place dans la ronde.

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

 

 

lundi 15 avril 2013

Dans la cendre de ces yeux

 

Fusain, avril 2013

 

La forme de ces yeux  

trace sur le rivage


un étrange passage vers un lieu où s’adresse son visage.

Profonde contre son front,
en la lecture d’autres cieux,
deux ailes en son silence songent.

Posée sur la branche d’un cil,
du bout de son bois, se  tresse,
l’émerveille d’un pays sage.

Seule, elle ne se noue à aucun nom.

Sans cesse , elle déroute les fils du désamour,
et accroche dans les arbres
de solaires contours et de possibles desseins
qui mèneront toutes ses vies vers sa route.

Deux ailes décorent, hors de ses nuits, des espaces bien infinis.

Se pourrait-elle que l’ombre d’un visage porte la lumière sur le message ?
Puisque c’est dans la forme de ces yeux qu’elle écrit
tout ce que qu’elle n’aura, encore, jamais dit.

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

Le barrage de WARBURG

 

                                                 KERIÐ CRATER, le cercle d'or,  Island


Lorsque la source,
quittant son chemin de ronde,
fera céder la soif que tu retiens,

Ton œil, seul, entendra

Aucun son ne parcourra

 

Tes mains, seules, sentiront

Aucune ombre ne parviendra

 

Ton nez, seul, verra

Aucun écho ne veillera

 

Tes lèvres, seules, liront

Aucune flamme ne viendra

 

Tes oreilles, seules goûteront

Et en toi seul, ensemble, ils ordonneront.

Alors, relevant ce masque
qui te tenait dedans
Tu traverseras l’instant miroir
dans l’embrasement d’un temps.

S’il te vient l’encre à la bouche
Ne t’y arrête pas,
et suis longuement son discours.

Il te faudra alors nourrir ce jour de tout ton sens
pour que se lève enfin sur le monde
Tout le chant de ce chœur libre, fort, et battant.

 

Astrid Shriqui Garain 



mardi 9 avril 2013

Décharge

 

 

 Je geste sur ta peau le lest d’un mot.

je plonge et tangue, vers le sillon des pourpres
où se déhanchent nos lèvres.

L’éclat de tes cernes dessine dans mon dos
deux ailes étranges qui se languent sur ta peau.

Elles me dansent, elles te chantent
et se dressent en un mot.

Tu lestes mes gestes sur tes lèvres,

Annonce, enfin que s’ouvre moi.
 

Dans l’éclair de ces veines
Ne nous reconnais pas.

Reste de peau
Sur le bord d’un mot.

Recul en toi
La nuit avance,
Écarte moi

Écoute en silence à deux pas

Baise ta sève

Crache mes braises
 

En substance ce qui vient de moi
échappe à la matière qui est si loin de toi.

Vélin de toi
Venin de moi

Crève l'archange
et que délivre... soi.

 

Astrid Shriqui Garain 

 

 

 

vendredi 5 avril 2013

IMAGO


Plaster head, 1945, photographie de Josef Sudek


Sans face, ni masque,
Je n’ai aucun visage.
La lymphe coule sur mes mains.
Les yeux livrés à la lumière
sentent la chair brûlante de la bête.

Je n’ai, à ma bouche, plus de lèvres.
Je ne commets plus de son.
Je suis inconnue de moi même
Je suis seule ainsi sans l’être.

Sans face et sans refuge
Sans masque, nulle armure
Vulnérable à naître de moi même
Je suis face contre le masque
la chair contre la pierre.

C’est là sous ses arcades de marbre
que le visage soupire sa défigure
et pleure d’être sans larmes.

La face modelait le masque
La masque donnait la face.

L’écorche de l’être
se transforme en vision.

Prendre la peau de l’être
sans abattre la bête…
De la chasse au massacre

Il n’y a que l’intention.


© - Astrid Shriqui Garain   04.2013 









jeudi 28 mars 2013

La balance de Penrose

 

 

 

Pierre de lest de L'Aimable Grenot (1749), recouvertes d'organismes marins.

Teddy Seguin (Adramar) © MCC / DRASSM 

 

 Pour mesurer le poids qu’il convient de donner à leur vie, les hommes ont eu         l l'étrange idée d’inventer une balance sur laquelle ils déposent certains poids.


La masse de leur vie, ainsi déposée sur ce plateau, ne s’exprime pas en gramme, ni en kilo,. Non ce système maléfique leur indique un taux qu’ils ont appelé : Réussite, nom qu’il donnèrent également à un jeu de cartes, afin certainement d’exorciser le mauvais sort dont ils bénissent parfois leurs coups.


Ils portent la valeur de ce taux sur un grand registre dont personne d’ailleurs, après eux, n’en fera de lecture.
C’est un taux qui relève uniquement du quant à soi.
Ce taux donne toute sa valeur à une vie toute bien pesée, mais il n’existe que pour celui qui l’inscrira sur le registre….

Il se déclare et se compare, mais ne se partage pas.
 

La question n’est pas de savoir pourquoi cette balance fut inventée.
Nous dirons qu’elle fut conçue pour faire contre poids à divers angoisses qui naissent dès la naissance dans un cerveau, très simplement,... humain.


Il faut calmer le doute, la peur, rabaisser sa supposée médiocrité face à celle de son prochain.  

Il faut caresser son ego à contre sens de la lame pour être sûr et certain que tout ce qui sera donné à la vie justifiera ce que la vie donnera.. et vices et rien que vers soi.
L’équité réclame l’équilibre.
C’est sans doute également par soucis de sa propre justice que l’homme forgea cette balance dans son cerveau grouillant d’humanité .
L’homme doit se rende justice… 

Le jugement s’échappe de l’humain, sinon il resterait prisonnier de sa raison.
La réussite doit loger dans son écrin : un bonheur de satin. La possession d’un tel joyau fait naître les envieux, à le tenir si fort entre ses mains, l’homme parfois en devient très vilain. 

La réussite enlaidit parfois l’homo sapiens et écrase de toute sa place souvent ceux qui croisent gentiment son chemin.
 

Mais examinons ces poids qu’il dépose avec impatience à chaque instant sur son plateau.
Quelle est la masse de sa vie ? Quel est ce taux qu’il nommera gloire, exploit, grande conquête…. dans le meilleur des cas, ou bien… échec, banqueroute… dans bien des cas.
Car il n’y a pas de demi mesure concernant cette chose là.
Il faut qu’elle soit totale. Pas d’autre choix.
Les poids sont à la mesure des hommes, juste à leur portée.
Ils ne dépassent jamais leur envergure.
 

Chacun ses poids. Chacun son taux. Chacun sa vie …et tout vient peut être de là.
 

Dans ce plateau, ils y mettront de tout et parfois de vraiment n’importe quoi.
Qui de l’or, qui des médailles, qui des hourras, qui des territoires, des orgues, des titres, une lignée, des fortunes, des palais, un nom gravé sur plaque ou un pavé, peut être un peu d’autorité, du respect, une certaine élégance, de la puissance, de la hargne, des idées…mais ces dernières sont parfois un peu dangereuses.  dangereux. Il faudrait parfois savoir y renoncer. Mauvaises et donc fausses, elles abrègent très vite nombre d’éternités.


Ils sont peu nombreux ceux qui arrivent à stabiliser la balance.
Si peu, que pour finir, on n'en connaît aucun.
Il n’est pas facile de comprendre que le déséquilibre provient de son propre poids.


Lorsque ta vie est sur la balance , ami, elle a déjà le poids qu’elle a.
Et tous tes poids n’y feront rien.


Alors ils pèsent…., le pour, le contre, le moins et le mieux, le sans doute et l’environ. 

Ils perdent leur temps pendant que leur vie sur ce plateau perd… 

et de son goût et… de ce qui fait tout son poids.
 

C’est une balance de Penrose dessinée par Escher.
 

Le maléfice réside là : à bien peser ta vie, tu ne bouges pas.
 

Quel imbécile peut il inscrire sur son registre que sa vie fut réussie ?
Qu’ elle le fut ou pas, quel intérêt ce joli taux rapportera ? Que feras tu de cette monnaie lorsque tu n’auras plus la force de chanter sur ta route?
 

Alors pour donner à sa vie non pas un prix ou quelque taux, mais juste le plaisir que vous deviez lui offrir, il convient de ne jamais la peser, mais de l'aimer.
 

Emplissez là de choses qui ne feront jamais le poids à la caisse des boutiquiers : un regard sans remord, un baiser sans regret, les pavés de l’été, des premières fois, des cris, beaucoup de rires, un peu de larmes, et des bras, des épaules, des sourires, de la sueur, des murmures, du souffle, de l’attente, des courses, des derniers trains, de très beaux matins, des inutiles, des futiles, des magiques, des terribles, et toutes ces tonnes de choses imbéciles auxquelles on tient.


A si bien aimer toutes ces choses, ami, la vie, va.. elle te suivra !
Mieux que ton ombre, elle sera devant toi !
Peu importe le poids qu’elle aura, elle te remplira bien les bras.
Le registre ? laisse le  à ceux qui ne savent que compter sur leurs doigts et cela de tout leur poids.

 

Astrid Shriqui Garain , "la balance de Pensrose",  03.2013

lundi 25 mars 2013

De vos raisons

 

 Léonard de Vinci, Codex, extrait. 

 

Je ne me ferai pas une raison.
M’en faire une serait vous la donner.
Alors je vivrai sans raison,
Avec juste la vérité de ma passion.

La raison ça décore les salons
La raison ça se fabrique dans l’usine des poisons.

Moi je n'ai pas de raison.
Je n’en veux pas.
Mes pieds et moi nous marchons,
sans raison,
depuis la première saison.

La raison, ça pèse lourd.
Elle vous entraîne par le fond
en s’accrochant aux faux plafonds.

Ni de fausses, ni de bonnes,
des raisons ?
Je n’en fabriquerai pas.

Vous en avez déjà plein vos miroirs,
Alors, ne m’en donnez pas.
Gardez les vôtres pour vos salons.

Même en tendant mes ailes,
 je ne les entendrai pas.

C’est en rime et sans raison
que je vole seule, toujours,
Si loin de vos salons.

 

 Astrid Shriqui Garain, "de vos raisons", mars 2013 


samedi 23 mars 2013

Le conseil de la Nuit

 

 

" Attributs des arts," 1769, d'Anne  Vallayer-Coster

  

Lorsque la nuit tiendra conseil sous le grand Dôme,
je ne viendrai pas.
Des affaires plus urgentes me retiennent.
J’espère, qu’elle m’excusera.
Je la laisserai s’étendre sur ses vastes sujets.
Je sais le plaisir qu’elle retire de son encre à tremper
la complainte des journaliers.
Lorsque la nuit apparaîtra dans sa bure fantôme
et ouvrira le registre
que le Temps déposera dans ses bras,
je ne viendrai pas.
Je n’aime pas les conseils,
puisqu’il ne m’aident pas.
J’ai affaire à d’autres débats.
J’ai message d’adieu qu'il me faut rédiger.
Et ,cela avant que le jour ne se montre las.
Même si la nuit de m’excuse pas,
Il faut que je m’y rende,
au nom de ce que ce que je ne deviendrai pas.
La nuit a sans doute ses lois, ses coutumes de soie,
Moi, je tiendrai parole auprès de celui
qui me confiera la force de son combat.
C’est un lieu où se murmure chacun de nos pas.
Il faut entendre les regards, et deviner les absences.
C’est un lieu sans lumière et sans ombre,
Notre présence n’y survivrait pas.
Lorsque la nuit lèvera son bras, marquant la fin de son conseil,
et qu’elle reprendra haleine dans la gorge des faubourgs,
Je serai loin, déjà.
Entre mes mains se tiendra le repos de certains mots.

En mémoire de leur chant
je ne m’oublierai pas.

J’aurai tenu ma promesse à cette adresse,
et brandi mon amour comme un flambeau
au chevet de celui, qui n’a plus affaire de conseil,
puisque son retour ne viendra jamais nous tenir de propos.
Alors, absente de la grande table de la Nuit,
sous la tente grande ouverte du Soleil,
quittant ma détresse,
je viendrai te porter ce conseil :

Si tu invites tes nuits à la tendresse,
Il se pourrait qu’elles te rendent un jour très beau.


Astrid Shriqui Garain, 03.2013 



Le verger de mon esprit

 

 

 "Monna Vanna", la Joconde nue...

  de Gian Giacomo Caprotti dit Salai...1515-1525... ?

 

Entre ma chair et mon âme réside mon esprit.
En cet espace se loge la racine de mon être.
Du fruit de l’ amour à l’amour de la chair
Mes vers, mis en chaire, s'élèvent à l’envers des cieux.


Mon cher amour cherche l’amour de sa chair
dans l’étrange et profond miroir de ses yeux.


Dans la noire de mon ventre s’élancent mille pieux.

L’esprit se détache de ma chair et perce mon âme.
Repose ici la semence d’un fruit au goût silencieux.
Ma bouche mise en bière aspire d’autre lieu.
Le cœur lèche sur la lame la sève pourpre d'un rameau.
 

En la mémoire de mon être.
A ce flambeau, l’esprit jette l' âme et la chair
et renvoie à la force des cieux
cette rage de ne pouvoir se savoir être
encore un peu, même mal, et si peu. 


"Le verger de mon esprit", Astrid Shriqui Garain. 2013 

 


La nuit étoilée

 

 La nuit étoilée , Vincent Van Gogh , 1889

 

 

Émettre la fréquence de nos passages,
Lancer nos messages dans l’espace,
Capter les bruits du monde pour lui remettre sa lecture,
Pouvoir donner réponse au silence des ondes.

Traverser le mur du son provoque le souffle des questions
et nous livre l’urgence de nos missions.

"Transmission",  mars 2013 , 

Astrid Shriqui Garain

 

 

"Timbres, espace, mouvement",  d'Henri Dutilleux

vendredi 22 mars 2013

LE PAS DU CYCLOPE

 

 


 

"L'allée des géants", photographie de Catherine Minala 

 

La ligne des arbres
triangle nos routes

La courbe en regard
tréfonds de mémoire

Lumière en certain soir
sphère l’horizon

L’esprit de nos brumes
puits de nos sons

L’instant dérègle
parfois notre vision.

 


L’arbre courbe sa mémoire
pour porter l’instant de sa vision
sur la ligne blanche de la raison.
Il sonne dans la brume du soir
son parfum lourd à l’horizon.

 

Astrid Shriqui Garain 

 

Extrait du recueil « Ynys Avallach »,
Les éditions du Littéraire – La bibliothèque de Babel
juin 2014 – ISBN-13 : 978-2919318223