lundi 27 mars 2017

V heures

 "V heures" . Infographie. Astrid Shriqui Garain 



V heures . 
La nuit est encore 
la voiture s'avance . 
Face au théâtre elle s’arrête.

V heures. la nuit est encore. 

Une femme s'en sort. 
De ces V heures, à sa tête le jour lui donne la pièce. 
V heures pile et l'enfant sort. 

A peine si elle marche 
elle bringuebale son corps. 
Une femme pose sur la dalle l'enfant qui ne dort pas. 
V heures. la nuit est encore .

Elles marchent. 
L'une se dévissant de l'autre. L'autre se hisssant à l'une. 
Toutes deux différentes de leur sort. 
Toutes deux détournées de même nuit. 

V heures. 
La ville est toujours 
mais en corps 
la ville baisse un regard. 

Leurs volumes cherchent la lumière. 
Attendue par une ombre, elle saisit deux inconnues. 

V heures cinq. 
la nuit est encore . 
Faces au théâtre, la voiture repart et brouillonne une façade. 

Là, ici, encore rien ne sonne.




                                             "V heures" , Astrid Shriqui Garain






vendredi 24 mars 2017

trompe de lune



"Trompe de lune", infographie, Astrid Shriqui Garain
                                                                             

Un rayon trompe de lune posé sur le bord d'un trottoir
d'un appel , d'un néon, d'une grille,
plus loin
d'une affiche
Plus haut
d'un murmure
Plus bas
c'est un mur.

La ville revient croire
Elle a quatre heures
le carré dans son astre pointe son quart
à chaque témoin du soir se nouent les retors de l'histoire.

D'une caresse d'orage dans un canal de mémoire
tu viens planter un doigt dans l'oeil du monde
qu'il tombe qu'il roule qu'il s'ouvre
un peu plus loin
un peu plus bas
et puis il fermera sa chambrée sans doute.
Une lampe lui servira de source.

Tomber du puits
à demi jour et tour à tour
et de ses dents sur le carreau
un voyage de commerce creuse sa route
il repointe la mine.
Son rail dessine sa bouche
ta parole se réglisse
se glisse,
se lisse...
Marche de pieds
Bon jour en chaussée
le soir en poing de côté
Ton œil pioche sa monnaie

Tu n'as pas idée de la nuit
Ni de sa place,
ni de son île
La penser serait un peu l'aimer

Ton œil s'est fermé
il tourne autour du vide
comme cette pièce de monnaie.
Il n'écoute rien de la musique

De tes mains tu parles de hasard.
et de tes rêves…de tes rêves ?
Qui peut vraiment savoir sans se douter ?


                                                   Astrid Shriqui Garain., Trompe de lune

jeudi 23 mars 2017

"Il fallait bien qu'un visage ", Paul Eluard


"Ma palette",  Infographie, Astrid Shriqui Garain

" Il fallait bien qu'un visage réponde à tous les noms du monde " 

Paul EluardCapitale de la douleur.












jeudi 9 mars 2017

De grande Blesse

"Pripiat - Ukraine - Piano abandonné ", Les enfants de Tchernobyl, livre DVD.



Je reviens de grande Blesse.
J'ai élevé mon corps à sa dureté, à ses aspérités.
À ces larmes double-plancher qui font craquer toute victoire prononcée.

J'ai quitté son antre
et reviens pourtant coudre certaines nuits sous son adresse.
Je sais le lieu inhabitable.
J'y retrouve portant,
un assez de place pour m'y laisser tomber.

J'y reviens, croyant toujours aux mirages, et dans mes rondes,
J'écris ces mots entre volets. 

Je parle de grande Blesse.
Entre filet d'une infinité d'amour broyé, de temps oubliés, manqués,
je pleure de pas perdus et de départ refusé. 

Je marche dans la Blesse,
retournant chaque objet à l'encontre de mon sujet.
A l'envers du monde je vois parfois danser quelque tendresse.
C'est un bruit de pas qui crochète mille portes dans ma tête.

Ou bien c'est l'ombre
qui se projette, 

Ou le vide
sous le plancher.

Ou encore cette chair caresse
comme un soleil de linge témoin, déposé. 

Je viens de Grande Blesse
c'est une heure sans quart
juste cet espace où s'arrête mon regard
Un blanc, l'écho-page de mes phrases,
linceul soulevé de mémoire
une toile tissée au salon de l'histoire
qui de mal
sait toujours me trouver.
et que de beau
je laisse tomber. 

Oui, à cette heure, j'en reviens.
Et je pousse de nouveau chemin, 

Toute ma présence s'est habitée.



© De grande Blesse, Astrid Shriqui Garain

samedi 4 mars 2017

Le manoir d'Ango





L'aire de la bâtisse est grande et les lignes sont profondes.
C'est le matin , du moins, nous le pensons.

Au reste s'attarde encore un peu de nuit,
puisqu' à la demie du ciel, se fait déjà le tour.

La lumière remonte la grille d'une arcade.
Elle semble dessiner un losange dans le carré de l'ombre. 

Midi dresse ses voiles,
c'est un mât qui lui servira de donjon.

Un homme marche,
à sa longe : c'est un chien.
La halle perce son regard.
A l'entrée de la cour
une pierre questionne sa muraille.

Au nu d'un mur, n'importe quel l'ensemble encadre sa fenêtre.

Vingt cinq centimètres par vingt neuf centimètres et demi.
J'entends encore le battement de la pluie.

La petite plaque d'argent s'ajuste à cet instant :
« Lithographie exécutée par G. Engelmann ». 


Astrid Shriqui Garain  ©