mardi 23 avril 2013

Alignez-vous

 

Alignez-vous
Groupez-vous,
Poussez-vous,
Bon sang,
Alignez-vous !

Qu’il ne reste
qu’une seule crête
une seule mire,
une seule ligne
une seule gueule,
un seul front.

Alignez-vous,
Allez, génuflexion !
Genus de santons !
Ensemble à l’unisson !
Sauvegardez votre maison !
Ratissez vos rigatons !
Crachez et respirez en tous.
Soyez pétris.
Soyez gentils.
Que vos lèvres se scellent.
Que l’esprit s’empale sur le grill
Que rien ne vous réplique !
Soyez parfaitement unique !
Soyez polis dans le sel de vos salives.

Que la nuit vous enferme…
pour vos clopinettes
Pour la gloire…
de vos majorettes
Au son de …
vos trompettes
Et qu’au terrain des supplices
vous soyez pris dans le goudron.

Allez, alignez-vous !
Qu’ injustice persiste,
et que le vide nous assiste.
Rayer de cette ligne
le doute et les possibles.
A la santé de vos souhaits !
Mâchez en tout votre vrai .
A votre sacrée peur
portez l’absence de vos pensées.

Alignez-vous
Groupez vous, poussez vous,
Bon sang,
Alignez-vous,
qu’il n’y ait
qu’une seule crête
une seule mire,
une seule ligne
une seule gueule,
un seul front.

Que je puise
sans pieu ni mètre
de mes mains
enfin faire ce carton !

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

lundi 22 avril 2013

Les meutes en procession

  

Crédits photo : Vicki Jauron, Babylon and Beyond Photography - Getty

 

 

Aux pieds des mono-tons et des infâmes
l’usure encorne les retables.

 

Grande porte à la hanche du diable !

Renifle bien le bruit de leurs étables !
Écoute, les chiens s’approchent!

A leurs bois pesants et lourds
vient pendre la nacelle des vautours.

Il faut croire que la plaine
rampe dans le remugle des vilains jours.

Il fait noir soleil sur la croix d’or
Il sont si bruns de tout leur sort.

Il connaissent si bien la haine.
C’est elle qui les engrosse et les fait naître.
Ses pleines mamelles tressent
les fils croisés de leurs crochets.
C’est elle qui dresse si fort cette langue
au bout de leur queue enfiellée.

Et c’est son laid qui dessine sur leur face cette bouffonne
grimace qui leur tient si mal de vilaine farce.

Écoute, on tient les chiens en laisse !
Ils sont nombreux peut être,
mais regardent comme ils sont peu.

Ils bottent déjà l’azur.
Ils casquent la devanture.
L’insigne porte à leur gorge
la bave noire de leurs méfaits.

Cherche le maître et tu auras la bête !

Paris est pleine de hyènes,
ça pue l’ordre et puis quarante,
ça pue les bruits de glace.
Ça pue le bûcher de nos sonnets.

Les chiens sont dans la rue
N’attends pas l’ordre du maître
Il t’en reviendra des cendres.

Les chiens couvrent toujours l’émeute.
Ils tirent sur leur laisse,
c’est leur instinct qui les commande.

Il fait soleil noir sur la croix d’or
Il sont si bruns de tous leurs pores.

Ne laisse pas, les chiens porter l’auge du maître.
Abats le maître,
et tu chassera ses bêtes.

Les chiens, dis toi que ça se fait taire,
sinon, c’est eux qui te jetteront en terre.

 

        Astrid Shriqui Garain, 04.2013 

vendredi 19 avril 2013

Le chevet

 

 "Antigone, consolatrice", Giorgio de Chirico

 

Il suffit qu’une nuit pleine de démesure,
heurte ma raison et se fracture
Pour que je saisisse toute sa lecture.

Il faut alors que je me rende à mon chevet
et, bien long temps, rester,
Veillant à ce que l’obscur ne récite pas son chapelet.

Et c’est dans le recueil du jour que je m’endors
lorsque la nuit, enfin, s’échappe d’un mauvais sort.

Extrait du recueil « Ynys Avallach »,
Les éditions du Littéraire – La bibliothèque de Babel
juin 2014 – ISBN-13 : 978-2919318223

mercredi 17 avril 2013

Mk II - 613

 


Des grenades sur les étals du marche Mahane Yehuda de Jérusalem. Crédit : Flash 90

 

Quand tu portes ton cœur à tes lèvres
Ne le lâche pas
Ne tremble pas
Mets le bien entre tes dents
Serre le
Et n’hésite pas.

Tire d’un coup sec.

Balance le aussi fort, aussi loin
que si tu jetais ton dernier filin

Le bruit

        c’est rien
        

        Les pierres  

        c’est rien


         Les cris 

         c’est rien


         Si tu avais ton cœur entre les mains
         Pas vrai ?
         çà ,c’était pas pour rien.

  N’oublie pas…

cinq secondes !
Cinq secondes pour percuter le monde
Cinq secondes
Pour reprendre ta place dans la ronde.

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

 

 

lundi 15 avril 2013

Dans la cendre de ces yeux

 

Fusain, avril 2013

 

La forme de ces yeux  

trace sur le rivage


un étrange passage vers un lieu où s’adresse son visage.

Profonde contre son front,
en la lecture d’autres cieux,
deux ailes en son silence songent.

Posée sur la branche d’un cil,
du bout de son bois, se  tresse,
l’émerveille d’un pays sage.

Seule, elle ne se noue à aucun nom.

Sans cesse , elle déroute les fils du désamour,
et accroche dans les arbres
de solaires contours et de possibles desseins
qui mèneront toutes ses vies vers sa route.

Deux ailes décorent, hors de ses nuits, des espaces bien infinis.

Se pourrait-elle que l’ombre d’un visage porte la lumière sur le message ?
Puisque c’est dans la forme de ces yeux qu’elle écrit
tout ce que qu’elle n’aura, encore, jamais dit.

 

Astrid Shriqui Garain, avril 2013 

Le barrage de WARBURG

 

                                                 KERIÐ CRATER, le cercle d'or,  Island


Lorsque la source,
quittant son chemin de ronde,
fera céder la soif que tu retiens,

Ton œil, seul, entendra

Aucun son ne parcourra

 

Tes mains, seules, sentiront

Aucune ombre ne parviendra

 

Ton nez, seul, verra

Aucun écho ne veillera

 

Tes lèvres, seules, liront

Aucune flamme ne viendra

 

Tes oreilles, seules goûteront

Et en toi seul, ensemble, ils ordonneront.

Alors, relevant ce masque
qui te tenait dedans
Tu traverseras l’instant miroir
dans l’embrasement d’un temps.

S’il te vient l’encre à la bouche
Ne t’y arrête pas,
et suis longuement son discours.

Il te faudra alors nourrir ce jour de tout ton sens
pour que se lève enfin sur le monde
Tout le chant de ce chœur libre, fort, et battant.

 

Astrid Shriqui Garain 



mardi 9 avril 2013

Décharge

 

 

 Je geste sur ta peau le lest d’un mot.

je plonge et tangue, vers le sillon des pourpres
où se déhanchent nos lèvres.

L’éclat de tes cernes dessine dans mon dos
deux ailes étranges qui se languent sur ta peau.

Elles me dansent, elles te chantent
et se dressent en un mot.

Tu lestes mes gestes sur tes lèvres,

Annonce, enfin que s’ouvre moi.
 

Dans l’éclair de ces veines
Ne nous reconnais pas.

Reste de peau
Sur le bord d’un mot.

Recul en toi
La nuit avance,
Écarte moi

Écoute en silence à deux pas

Baise ta sève

Crache mes braises
 

En substance ce qui vient de moi
échappe à la matière qui est si loin de toi.

Vélin de toi
Venin de moi

Crève l'archange
et que délivre... soi.

 

Astrid Shriqui Garain 

 

 

 

vendredi 5 avril 2013

IMAGO


Plaster head, 1945, photographie de Josef Sudek


Sans face, ni masque,
Je n’ai aucun visage.
La lymphe coule sur mes mains.
Les yeux livrés à la lumière
sentent la chair brûlante de la bête.

Je n’ai, à ma bouche, plus de lèvres.
Je ne commets plus de son.
Je suis inconnue de moi même
Je suis seule ainsi sans l’être.

Sans face et sans refuge
Sans masque, nulle armure
Vulnérable à naître de moi même
Je suis face contre le masque
la chair contre la pierre.

C’est là sous ses arcades de marbre
que le visage soupire sa défigure
et pleure d’être sans larmes.

La face modelait le masque
La masque donnait la face.

L’écorche de l’être
se transforme en vision.

Prendre la peau de l’être
sans abattre la bête…
De la chasse au massacre

Il n’y a que l’intention.


© - Astrid Shriqui Garain   04.2013