jeudi 29 mars 2018

ils sont en ligne








August Sander, Farming Family -1913



 Ils sont en ligne comme une phrase du passé.
Leur verbe c'est regarder. Leur histoire effacée.
Une lettre entière de regard, et leurs prénoms oubliés.
De quel siècle d'arbres sortent-ils ?
Quels mots contenaient leurs livres ? Leur rivière, leur chant.
Ils se tiennent comme arabesque en liane sur le morceau d'un village que le soleil ferait valser.
A l'oreille du diable ? à la dernière frontière passée ?
Savaient-ils qu'entre ses arbres une forêt a gardé le secret ?
Dans un champs maintenant se dresse l'infranchissable,
un trou de mémoire qui nous rendra bête comme nous a rendu sourd le bruit de vos canons.

Astrid Shriqui Garain III.2018  



à la main qui se pose




Credit photo : Karen B. 


Et puis voilà la main
la main qui se pose
au fond des choses
sur le bord d'une épaule.

Elle lui tombe dessus
comme tombe un jour une rose
sur le fond de l'amitié.

Elle aurait bien voulu trouver le geste...
Faut dire elle était un peu paumée...
alors voilà la main qui reste
et qui pèse sur cette épaule
comme vous viennent parfois
des choses que rien ne peut effacer.
La main est un peu lourde
comme ce vin rouge
qui coule au fond des choses
qu'on voudrait oublier.
A tour de bras elle lui fait signe
qu'il est en temps de rentrer
et puis comme il fait un peu froid
elle lui fout son billet
parce que les gens c'est comme les roses
et c'est pas comme des choses
qu'on pousse du bout du pied.

Alors voilà la main
la main qui se pose
sur le bord d'une épaule
comme arrivent toutes les choses
auxquelles on avait oublié de penser.

La main sur une épaule
c'est pas des mots qui restent sur le coeur
ça vous redresse
ça vous fait tenir un peu plus droit
ça vous prendrait presque pour une rose
et à la main comme vont toutes choses
...on croise ses doigts.

Alors voilà que cette main
sur le bord d'une épaule
c'est une main qui vous repose
sans rien compter.

On ose pas toujours les gestes qui sauvent
pourtant c'est une grande chose
cette main qui posée sur cette épaule
qui vient de signer son amitié.



Astrid Shriqui Garain - mars 2018  
 
Lauréate au Concours de Poésie "Simone Landry" - Mars 2020- Paris
 
 
 
 

vendredi 9 mars 2018

Les nouveaux anciens, Kate Tempest

 

Attention : Étincelant ! « Les nouveaux anciens », c'est dense, poétique, rapide, mouvant, vivant. Cliquetis dans le jukebox, silence de jour, lumières à contre nuit, la légende de Tom et de Glori, un mythe. 

« Les nouveaux anciens » c'est maintenant ! Kate Tempest a raison, un million d'étoiles filantes raison, un millénaire de rêves et de béton raison.

 C'est maintenant que les dieux marchent dans nos rues, que les dieux se lèvent chaque matin, que les dieux tempêtent, que les dieux jouent des coudes sur les quais, que les dieux donnent à manger au chat, à leur gosse, que les dieux ont faim ou froid, qu' il doutent, qu' ils aiment, qu'ils font les cons, qu'ils tournent en rond, qu'ils se voudraient un peu plus fort un peu plus grand, qu'on oublie pas trop vite leur nom . 


Ils sont des dieux, ils nous ressemblent, nous sommes tous... des dieux, le format éternel de ceux qui se refusent à n'être que des hommes.
Des dieux vivants, et nombreux. Les enfants des hommes, pas des enfants des dieux. 


Des monstres, des brutes et puis parfois, le plus souvent, peu à peu, des gosses avec des ailes de géant et les semelles au vent ! 

«  un dieu devient un dieu quand il a le courage d'aimer. Un dieu, quoi qu'il fasse, reste dieu à jamais, mais quand même, un dieu doit s'efforcer d'être un dieu auquel un dieu peut se fier. ». 


« Nous sommes pourtant toujours mythiques.
Coincés pour toujours entre le pitoyable et l'héroïque.
Nous sommes encore divins ;
c'est ce qui nous rend si monstrueux.
Mais c'est comme si nous avions oublié que notre propre valeur excédait de loin celle de l'ensemble de nos biens ». 


« Regarde les », regardons nous.
« Des millions de personnages,
chacun avec ses propres récits épiques
chantant : il est difficile d'être un ange
tant que tu n'as pas été un démon ». 


Kate Tempest ! À lire à voix haute ! 


«  Toutes les divinités résident dans le coeur de l'homme ». William Blake
Traduit de l'anglais par D' de Kabal et Louise Barlett.


Astrid Shriqui Garain. mars 2018.




mardi 6 mars 2018

Un coup d'aimer dans l'air



"Queen" , Sculpture de  Judith Rota Raboczky 


L'éternité dans sa coquille 

Un bourgeon d'épine comme une enseigne


du sang qui coule autour de la terre 

pendant que du jour on casse toujours la graine


Mais suffit juste d'un p'tit coup d'aimer dans l'air 

pour être encore debout comme demain vers le soleil




Dans l'air, Astrid Shriqui Garain 
III.2018 

La lune dévêtue de son rose



" Histoire du soldat", spectacle de l'Arcal,   
Théâtre musical  
Musique d'Igor Stravinsky (Lausanne, 1918) 
Texte de Charles Ferdinand Ramuz 
 

 
La lune dévêtue de son rose adresse le feulement de son âme 

aux lignes assoupies de ton corps.


L'espace entre ses voiles respire la lumière que tu protèges.

Depuis que ton regard caresse la question de ses rêves 

de tes lèvres ruisselle la couleur de leurs notes.


Il n'est de silence que dans le bruit de certaines images.


Mais toi,

tu es toute musique.


Du battement d'une veine qui se nourrit 

d'une main ouverte  vers le dôme de ton épaule

jusqu'à cette brassée de cuivre et de parfum qui teinte

contre la sagesse d'une étole,

tu es toute musique qui se délivre en cette adresse.


Entre les murs et le soleil plane un ballet de miroirs.

Si Paris danse dessous sa neige , toi, de tout ton être

tu joues à contre jour à me faire chair.


Paris dans sa nuit dort lorsque la lune se croit forte, 

mais moi, dans ma tête, sur la musique de tes pas, 

je marche vers la flamme du seul mot que tu projettes. 



                                                                       La lune dévêtue de son rose,
                                                                       Astrid Shriqui Garain 
                                                                       6. III.18.