jeudi 26 mai 2016

Georges Braque, l'espace réinventé.





Georges BRAQUE ?  
                                    «C'est le patron! » 


 La danse, 1933-1934- Gravure , Georges Braque


C'est ce que Jean Paulhan,  critique d'art et éditeur, rappellera en 1952. 


le viaduc à L'Estaque, 1908, huile, Georges Braque .

1908, Premières toiles cubistes: les maisons, le viaduc, le paysage et les grands arbres à l'Estaque.
 


L'histoire sera plus encline à attribuer la paternité du mouvement au « brillant bruyant » Picasso.
Braque le discret, l'introverti, le travailleur, l'acharné poursuit en bleu de chauffe sa route obstinément dans le clos de son atelier.
 















 verre et fruits, 1931- huile et sable , Georges Braque





 Nature morte au compotier 1932-1933

«  George Braque, l'espace réinventé », ouvrage réalisé lors de la grande exposition qui s'est tenue aux États Unis en 2013, se concentre sur une période particulière de l'oeuvre de Braque : de l'entre deux guerres à la libération. 

Période d'introspection pour l'artiste et non période de recul.
Matières et techniques : les outils de Braque.
Visions, hallucinations empliront le lexique de sa perspective.
Espace, surface, seront les fondement de ses compositions.
Grièvement blessé au combat, trépané, en 1915, aveugle durant deux ans, Braque pouvait deviner le liant putride qui allait infecter le monde. Il s'est alors entièrement concentré, centré sur son art peignant inlassablement des natures mortes. Braque c'est le peintre de l'espace et de la perception, de l'espace tactile entre l'homme et l'objet. le rapport à l'objet épousseté des notions de profondeur, de grandeur.
La vision se hiérarchise par rapport au rapport que l'homme entretient tactilement avec l'objet.
C'est ainsi qu'il réinvente, qu'il réordonne l'espace.
Sa main touche à l'objet et non à la perfection de la vision, la perception est à l'oeuvre. 


 

L'ESPACE À PORTEE DE MAIN. 

Pour Braque l'art, et donc l'artiste ne peut s'offrir le luxe de souffrir de son temps. Il revendique son indépendance face à l'événement. «  un tableau n'est pas un instantané ». Pour lui l'art n'entre pas dans le champs de l'actualité. Et en cette période de brumes et de brouillard, Braque défend son atelier, il peint, l'homme face à son chevalet, face à l'objet et rien d'autre.
 

 Georges Braque - Atelier - Photographie de Willy Maywad


Voilà sa démarche, même si on ne peut pas faire l'impasse sur son acharnement à vouloir peindre ses natures mortes. Même si on ne peut oublier qu'il ait perdu l'usage de ses pinceaux durant un an, lorsqu'il reçu l'annonce du suicide de son ami Carl Einstein en 1940 face aux troupes nazies.
 


Pour Braque le présent est « perpétuel ». Alors ces natures sont elles véritablement mortes ? 

Braque n'est pas un peintre du mouvement mais d'une surface qu'il s'autorise à explorer d'une autre manière , en qualité d'espace. La toile définit l'espace, il peint un guéridon , ce n'est pas le guéridon dans l'entrée, dans l'appartement, dans la ville, c'est le guéridon , l'espace qu'occupe ce meuble, cet espace qui préoccupe l'artiste.
Véritable marqueterie de l'espace, un véritable travail d'ébénisterie se réalise sur la toile.
Il colle, il plaque, il superpose. Transparence de l'objet. 



 La toilette, 1944- Georges Braque , huile sur toile


 Antoine Tudal poème " Nature morte", extrait, 1945.




 extrait de l'atelier au crane 1938 , Georges Braque 

 Balustre et crâne, 1938, extrait

L'intelligence propre de l'espace sera rendu par la matière. Sables, graviers, il fait entrer la matière au coeur même de sa peinture. 









Territoire secret, monde inconnu, Braque cherchera, tentera, inventera, essaiera.
L'alchimiste de l'espace. 


Cet ouvrage contient deux essais extrêmement important dans l'histoire de l'art du 20e siècle : celui de carl Einstein  de 1933 et celui de Jean Paulhan de 1952.



 Paulhan  nous met en garde sur les maisons de verre, ces maisons où tous ont accès, où tout se doit d'être vu et su par tous. Cette dictature du dévoilé qu'instaure et impose le pouvoir. L'artiste n'a pas à se justifier, il n'a que sa vérité qui, si le passant y le consent, peut être une interpellation, un appel, et pourquoi pas une question, jamais une déclaration encore moins une réponse. Il n'a pas d'autorité, il n'a que son travail.
 

Le dossier regroupant analyses chromatique et chimique opérées sur plusieurs toiles de Braque montre le soin avec lequel Braque opérait. Avec lenteur mais en ayant toujours le soucis du « mieux faire ». Pas du mieux paraître, pas du mieux semblant, mais du plus près de sa réalité à l'instant où son oeil devient sa main.
« On ne se rappelle pas d'avoir vu ça », en regardant un tableau de Braque, « on ne s'en rappelle pas », « on ne s'en souvient même pas ». 


 


 La nappe rose, 1933, huile et sable , Georges Braque

C'est ce que Carl Einstein  définissait comme étant la création de mythes visuels.
 

Donner un sens multiple à l'objet par l'abstraction de l'espace afin de réinventer sa surface en la percevant différemment.
 

L'objet avance chez Braque il ne recule pas. C'est en sorte une perspective inversée.
 

Carl Einstein disait qu'un tableau est terminé lorsque l'émotion est voilée, et Paulhan rappelait qu'à divulguer le mystère on lui retire sa vertu.
Braque nous touche bien au delà de notre vision, il nous touche par sa perception.


C'est là que réside peut être le mystère. 


 



 Nu allongé, 1933-1934 - gravure, Georges Braque
 








Lecture,  Astrid Shriqui Garain 




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