C'est
la fin des ombres mi-closes crochetées à la
dormance des heures.
Tu
sens des petites coulées de ton chemin juste à
l’entaille de la
langue. Elles te balancent hors du
couloir du chœur.
Tes
paupières blanches dérivent sur un tableau
d’images. Partance des
roses, échardes aux rivages,
murmures à tant de pas revenus. Il est toujours
minuit à l'horloge d'une gare. Dernier refrain.
minuit à l'horloge d'une gare. Dernier refrain.
Après...
l'ami, après, c'est entendu...
Toucher
d’autres remparts. Les prendre vides. Les
rendre creux. Les sentir.
De tes mains... te sauver ?
Mais par où grand bleu, vers
quoi ?… alors…
reconstruis, parce que dans le dernier mirage
il te
faudra bien y loger ta gueule.
Partir, mais aux feuilles des
branches. Partir mais à la
portière d'un drame, partir mais laisser
une trace. Un
trousseau d’images pendu au porte marteau de tes
heures.
Détacher
les mots. Arracher. Plier. Lier. S’en charger.
Fagoter ces
orphelins de lumière avec quelques
parfums à peine et les jeter à
la lumière du canal.
Il
faut finir, et bien. Lécher son écuelle, la laper. Et
éructer le
mot. Il ne s'agit pas de suffoquer.
Il
faut être prêt. Prêt, entends-tu ?
La
fin doit te faire beau, grand, c'est la fin qui justifie
tous les
bateaux. Et les bateaux… Dieu n'est pas le
seul à savoir combien
de bouteilles il t'a fallu vider
pour y faire entrer tous tes radeaux.
C'est
la fin des ombres, la lumière entre en robe
blanche. Le jour
commence. La nuit a été confidente.
Elle a tenu parole. A ton
chevet elle est restée.
Fidèle, c'est la première amante.
Celle
avec qui tu t'es construit. Elle t'a tout donné la
nuit. Tout. La
fournaise, l'étrave, l'outrance,
l'outrage, la vague, la soif, la
peur aussi. Et puis elle
t'a donné ce que tu as eu de plus beau.
Cette nuit là
elle a fait de toi un prince, un dieu, une prêtresse,
une reine, cette nuit là elle a fait ce que tu voulais de
toi. Tu
as tenu en toi le monde entier. T'avais pris ça
dans le cœur. Tu
l'as gardé. Depuis toutes ces
années.
Attends…
l'ami, après, c'est entendu…
Ce que cette nuit a mis dans
ton cœur, tu l'as
gardé. C'est pour ça que cette nuit, elle est
revenue.
C'est la fin bien sûr, tu le sais.
L’haleine
du mensonge souffle comme un fantôme sur
leurs braises.
Dans la
nuit personne ne voit un arbre trembler ni
même un autre se
coucher.
À peine si on l’entend. Ils n'ont que des trous au fond
des yeux. Pas de place pour le ciel.
Et pourtant chacun sent sa
bouche glacée se poser
sur le front fiévreux de son prochain
destin.
Est-ce le doigt d’un dieu aveugle qui chercherait
parmi
nous la raison du feu le plus ancien ?
Devant le geste de nos
mains il semble flamber le
regard ouvert de toutes nos œuvres.
Le
mur est une porte, la fenêtre porte le dôme, tu
sens, tu respires,
c'est le fleuve là-bas qui marche
vers toi.
vers toi.
Tu
as dix ans. Tu lui tiens la main. Elle marche vite.
Le chemin est
poussière. Tu as des lèvres d'enfant.
Les mots sont comme tes pas.
Tu les voudrais
grands, tu les portes à bout de voix. Tu demandes
elle ne répond pas. Elle marche. Vous marchez. La
lumière arrive.
Attends,
l'ami, rappelle-toi.
À
la ligne, à cette ligne vous vivrez..
Ça tient à quoi la vie ? Un nom, une date, un train,
cette
ligne ?
Perdre
l’innocence de soi est un malheur. Voir
s’éloigner l’enfance
de ce qui viendra
c’est perdre l’avance de son être. Dire le
hasard
comme on en déplierait le mot, le prononcer,
comprendre
qu’il passe sur une route et le voir
devenir entre son peu et cette
peau le dernier témoin
de soi. Être jeté à l’inconscience du
présent.
Marcher
sous le retard du jour comme une goutte sur
la langue du soleil.
Brûlant toujours d’espace sous un
espoir suffocant de renaître.
Tu te voudrais sourd. Être ! Aveuglément libre
peut-être jusqu’au dernier moment dans un fossé
glissant de
jours. Et ils sont là à fouiller leur mot.
Viens, écoute, l'ami avance et le silence se
remplit.
© - Astrid Shriqui Garain
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