Dessin et aquarelle , Auguste Rodin
Moi je n'ai pas d’histoire à
raconter . pas de regret. Pas eu le temps.
J'ai même pas de souvenirs.
Une note , une lumière une odeur on a
le droit d'appeler ça ...souvenirs ?
C'est resté dans ma
mémoire. Y a pas de touche pour effacer ça. Pas de commande,
j' veux
pas.
Je Ram, Je Rom, Je rime. Je dégringole.
J'ai pas de souvenirs. Des images. Les
miennes. J'avais que le désir, le besoin, l'envie,
j'avais que ça.
Ma folie. Mon élan. Un nécessaire d'urgence. Imagine...
« Tu ne t'es pas rendu
compte. »…. « Tu ne rends pas compte…. » Non.
Jamais.
Un livre et mes images. Avec ça je fais le tour du monde .
Je trace un grand cercle. O.
Je ne me rends jamais compte . De
rien. Sinon ça servirait à quoi tout ça ? Je ne veux
pas me
rendre compte . Et ça ne risque pas de s'arranger. Aucun risque. Je
sais ce que
ça coûte de compter . Jusqu'à dix. Fermer le
yeux. Penser. Jusqu'à dix et se dire
putain ce moment là il ne
reviendra pas, il r'viendra pas , ça va rester comme ça, là, là,
toujours là.
J'ai pas eu le temps de compter jusqu'à
dix.
Je n'ai plus le temps. Je ne l'ai pas,
j ne l'ai plus, entre les deux, c'est pas perdu.
A dix , qui peut dire si c'est vraiment
l'arrivée ?
À trois comme un claquement de doigt,
à toi la rue , la vie, l'homme et son chat ...la
blonde et son
châle... à moi,...ha moi ! moi, je ne sais plus, je reste
toujours plantée là,
bloquée sur trois.
Plantée, clouée sur le trois. C'est
pas beaucoup trois. C'est pas très haut. Ça donne pas
le vertige ,à
personne mais à toi ça t'a filé la nausée.
J'vois plus la mer, ni les bateaux, j'
suis en galère.
J'ai plus d'échelle , il me reste les
barreaux.
Toi t'as pris ta bonne distance de
croisière.
J'ouvre plus les yeux. J'ouvre plus les
poings.
Je ne veux pas voir ça.
Toi qui es tu ?
Lou où es tu ?
Qu'est-ce que je fous là ?
Je suis tombée à genoux. Les deux
genoux, à terre. J'avais pas de prière particulière.
Rien préparé. Même pas un cierge, ça aurait pu être
mal interprété.
La douleur c'est de l'impro. Tu
prépares pas à jouer un premier rôle avec un texte
comme ça.
T’arrives pas à répliquer. T'explique pas . Tu comptes pas. T'as
jamais
compté. T'as pas d'emploi. Y en pas pour toi.
Tu ne te figures pas comme ça fait
mal. Tu peux pas prévoir. Pas d'avance.
Ou alors c'est que tu es incapable
d'enfance. Ou alors que la douleur.
T'aime ça. Moi pas.
La douleur, la vraie, celle que tu
sens là , celle qui te fait sentir la scandaleuse horreur
de la
mort, cette salope, cette douleur là ça ne s'invente pas. Tu
croyais l'avoir semée.
Ç'est comme la baffe que tu te prends
en plein atelier , le coup de poing fatal qui te
fait valdinguer dans
les casiers.
oh !!! une étoile ta vie !
,
en étoile mon amour, tu m'as fait
voler en étoile.
Et là la douleur elle est là. De
retour.
Elle a pas changé. Elle a plus de
métier. Elle cachetonne toujours au même carrefour.
Oh Une étoile mon amour, tu as roulé
sur l'étoile.
Putain elle était là. T'y croyais
pas. Regarde là celle là. Elle sort de ta penderie.
Elle est venue
faire un tour. Pan, à trois, tu vas mourir.
C'est une passion de faire ça ?
Regarde toi, façon chemin de trois. Le cheval il est très
loin,
loin là-bas sur la plage, là où dix ça dessinait un deux. Ça
faisait chaud. ..Parti le
cheval ! ...il est parti comme toi. La
vache, j'ai froid. Le cheval, pas, il est de bois.
Non trop facile,... à trois.. je
comprime. A dix on doit s'éclater, peut être qu'à dix on
s'éclate,
genre woodstock , à trois, c'est pas de la tarte, ni le rond point,
t'as mal à tous
les carrefours du verbe retour.
Tu vas morfler. Tu le sais. Tu
saignes. Ça c'est rouvert. Va falloir colmater.
Ça les attire le
sang. Lèche ta bête, humaine ! Les idées noires ça les
attirent.
Cale ton dos. Compresse. Comprime. cale toi contre le mur.
Ça bouge. Tout bouge.
Tout descend. Tu glisses Et ton estomac
remonte. Presse ta main. La câble a lâché.
Cale toi contre la porte.
Pense pas aux étoiles, pense pas,
arrête de penser. Si tu penses le ciel va s'éteindre.
Ça te
déchire.
Ça bouge. Ça tangue. La porte bouge.
Tu seras dans le grand escalier. La
rampe où est la rampe ? Un livre ! faut un livre.
Un livre
pour t'accrocher. Faut redresser. Rétablir une vérité.
J'aime bien les histoires, celles des
autres. Moi qui je n'en fais jamais.
Savoir, si mon histoire, si elle avait
pu exister, si mon histoire aurait pu avoir un air de
parenté.La même façon de marcher ? La
même peur, le même courage ?
Non c'est pas vrai. Je ne fais jamais
ça. Je ne cherche jamais. X ou Y je m'en fous. Je
veux m'accrocher.
Il fait froid, il fait nuit, je tombe. Trouver la rampe.
Le nom, le sexe,
tout ça je m'en fous. Je sais plus qui ou comment
ni même
pourquoi.
Je tombe là où personne ne
trouvera. Rien, Ni Personne.
Je voudrais être sans famille. Une
fois j'y suis presque arrivée. Sans famille c'est une
pièce que tu
peux jouer quand tu as tout. Mais quand tu n'as rien faut faire
attention à
ce jeu là , ça peut se terminer très mal à la
générale.
Tout en bas du grand escalier.
A guichet fermé. Fermé sous ton nez.
Que personne ne rentre. Que rien ne sorte. Pan.
Mais à trois tu
joues ?
Un livre. Qu'est ce que je fous devant
cette penderie. Crever pour un livre mais pas
ici. Pas comme ça.
C'est con, c'est nul comme fin. Personne n'oserait écrire un truc
pareil.
Il faut être désespérée pour
aller quérir l'inespéré.
...C'est une phrase ça ?!!
Qu'est ce que tu cherches ?
Quérir...Si j'avais pas si mal..
Ouais, c'est une phrase. C'est un
début. Pas un moyen.
Comme on peut voir Dieu dans une pomme,
à force de le chercher on finit par
oublier de te donner à manger.
C'est un peu s'installer pour une
sieste devant un feu de cheminée.
C'est un peu comme crever de soif et
comprendre tout ce qui brûle dans le mot
désaltérer.
Le moyen pour effacer la fin.
C'est comme ça : lire. Ça fait
cet effet là. Au départ. On rêve de se désaltérer. On a
soif.
Tout le monde vous le dira. Enfin tout ce qui savent traverser. En
fin...
j'imagine. Parce que la barque n'est jamais rentrée. L'espoir
reste toujours accroché à
la dérive. C'est ce qui nous empêche de
couler. Si tu me crois pas ...laisse couler.
Sauf qu'en lisant, la pomme on la
bouffe, la fenêtre on l'ouvre et on offre sa tournée,
on se fait la
tour du monde et son jardin anglais.
C'est pas mystique, c'est
héroïque.
Même avec de la mie de pain tu peux y arriver. Effacer
la fin.
Et continuer de voguer!..
Souris , moi je dessine.
Qu'est-ce qui nous pousse à prendre un
livre, un livre après un autre livre, et puis un
autre encore.
Besoin de se trouver en cavale, de
sauter par dessus le mur, geste d'alpiniste, geste
de biche ?
A dix, on traverse, à dix on passe le
pont, à dix on sera de l'autre côté ! A dix..
.
Page après page, prise après prise.
Qu'est ce qui fait qu'on ne s'arrête
pas. Qu'on continue. Que rien n' arrête le geste ?
Les mots, les phrases ,les pages ,le
geste.
pas après pas - page après page-
livre après livre
( jour, après nuit)
nuit :
- reviens le jour !
C'est quoi cette lumière qui nous
poursuit dehors ?
Je me souviens, du bruit, non. le son,
je me souviens du son. La lumière qui remontait
l'escalier.C'était
comme une phrase qui s'écrivait. La lumière et moi ont te suivait.
L'odeur j'en parle pas. Je la garde sur moi. Je partage pas. A trois,
à dix , et même en
sang ça je ne partage pas. Ça n'a rien à voir
avec le fait d'avoir mal.
Ça a « à être » avec la
beauté.
La lumière et moi on en parlait dans l'escalier.
( jour s'approchant de la nuit)
...debout !
Parce qu'on sait que ça vaut le coup,
que ça tient le coup, que ça tient la route. On
s'en doute.
Ça vaut la peine, ça vaut la peine, à
chaque page, à chaque phrase, à chaque livre, ça
vaut la peine de
continuer.
Ça vaut la peine de vivre. Ça valait
toute cette peine d'essayer.
Parce qu'on désespère alors que voilà
injustement c'était inespéré. C'est pas une
phrase. C'est juste
un palier.
Un livre il me faut un livre, une
ligne, il me faut une ligne.
J' veux pas crever. Comme ça sur le
palier.
C'est risible, c'est misérable, c'est
illisible.
dis une ligne ! une seule ligne.
© - Astrid Shriqui Garain
Assemblage
: Masque de Camille Claudel et main gauche de Pierre de Wissant - See
more at:
http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/assemblage-masque-de-camille-claudel-et-main-gauche-de-pierre-de-wissant#sthash.BM6Q5PXU.dpuf
Assemblage
: Masque de Camille Claudel et main gauche de Pierre de Wissant - See
more at:
http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/assemblage-masque-de-camille-claudel-et-main-gauche-de-pierre-de-wissant#sthash.BM6Q5PXU.dpuf
Assemblage
: Masque de Camille Claudel et main gauche de Pierre de Wissant - See
more at:
http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/assemblage-masque-de-camille-claudel-et-main-gauche-de-pierre-de-wissant#sthash.BM6Q5PXU.dpuf
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire