samedi 4 juin 2016

la penderie, nouvelle.







Dessin et aquarelle , Auguste Rodin 

 

Moi je n'ai pas d’histoire à raconter . pas de regret. Pas eu le temps.


J'ai même pas de souvenirs. 
 

Une note , une lumière une odeur on a le droit d'appeler ça ...souvenirs ? 

C'est resté dans ma mémoire. Y a pas de touche pour effacer ça. Pas de commande, 

j' veux pas. 

Je Ram, Je Rom, Je rime. Je dégringole.



J'ai pas de souvenirs. Des images. Les miennes. J'avais que le désir, le besoin, l'envie,

j'avais que ça. Ma folie. Mon élan. Un nécessaire d'urgence. Imagine...
 

« Tu ne t'es pas rendu compte. »…. « Tu ne rends pas compte…. » Non. Jamais.

 Un  livre et mes images. Avec ça je fais le tour du monde . 

Je trace un grand cercle. O. 
 


Je ne me rends jamais compte . De rien. Sinon ça servirait à quoi tout ça ? Je ne veux 

pas me rendre compte . Et ça ne risque pas de s'arranger. Aucun risque. Je sais ce que

ça coûte de compter . Jusqu'à dix. Fermer le yeux. Penser. Jusqu'à dix et se dire

putain ce moment là il ne reviendra pas, il r'viendra pas , ça va rester comme ça, là, là,

toujours là.



J'ai pas eu le temps de compter jusqu'à dix. 
 

Je n'ai plus le temps. Je ne l'ai pas, j ne l'ai plus, entre les deux, c'est pas perdu. 
 


A dix , qui peut dire si c'est vraiment l'arrivée ? 
 

À trois comme un claquement de doigt, à toi la rue , la vie, l'homme et son chat ...la 

blonde et son châle... à moi,...ha moi ! moi, je ne sais plus, je reste toujours plantée là,

bloquée sur trois. 
 

Plantée, clouée sur le trois. C'est pas beaucoup trois. C'est pas très haut. Ça donne pas

le vertige ,à personne mais à toi ça t'a filé la nausée. 
 

J'vois plus la mer, ni les bateaux, j' suis en galère.

J'ai plus d'échelle , il me reste les barreaux. 
 

Toi t'as pris ta bonne distance de croisière.



J'ouvre plus les yeux. J'ouvre plus les poings. 
 

Je ne veux pas voir ça. 
 

Toi qui es tu ? 
 

Lou où es tu ? 
 

Qu'est-ce que je fous là ?

Je suis tombée à genoux. Les deux genoux, à terre. J'avais pas de prière particulière. 

Rien préparé. Même pas un cierge, ça aurait pu être mal interprété.


La douleur c'est de l'impro. Tu prépares pas à jouer un premier rôle avec un texte 

comme ça. T’arrives pas à répliquer. T'explique pas . Tu comptes pas. T'as jamais

compté. T'as pas d'emploi. Y en pas pour toi.

Tu ne te figures pas comme ça fait mal. Tu peux pas prévoir. Pas d'avance. 
 

Ou alors c'est que tu es incapable d'enfance. Ou alors que la douleur. 

T'aime ça. Moi pas. 
 

La douleur, la vraie, celle que tu sens là , celle qui te fait sentir la scandaleuse horreur 

de la mort, cette salope, cette douleur là ça ne s'invente pas. Tu croyais l'avoir semée.


Ç'est comme la baffe que tu te prends en plein atelier , le coup de poing fatal qui te 

fait valdinguer dans les casiers.

oh !!! une étoile  ta vie ! , 
 

en étoile mon amour, tu m'as fait voler en étoile. 
 

Et là la douleur elle est là. De retour.

Elle a pas changé. Elle a plus de métier. Elle cachetonne toujours au même carrefour. 
 

Oh Une étoile mon amour, tu as roulé sur l'étoile. 
 



Putain elle était là. T'y croyais pas. Regarde là celle là. Elle sort de ta penderie. 

Elle est venue faire un tour. Pan, à trois, tu vas mourir. 
 

C'est une passion de faire ça ? Regarde toi, façon chemin de trois. Le cheval il est très

loin, loin là-bas sur la plage, là où dix ça dessinait un deux. Ça faisait chaud. ..Parti le

cheval ! ...il est parti comme toi. La vache, j'ai froid. Le cheval, pas, il est de bois. 




Non trop facile,... à trois.. je comprime. A dix on doit s'éclater, peut être qu'à dix on 

s'éclate, genre woodstock , à trois, c'est pas de la tarte, ni le rond point, t'as mal à tous

les carrefours du verbe retour. 

Tu vas morfler. Tu le sais. Tu saignes. Ça c'est rouvert. Va falloir colmater. 

Ça les attire le sang. Lèche ta bête, humaine ! Les idées noires ça les attirent. 

Cale ton dos. Compresse. Comprime. cale toi contre le mur. Ça bouge. Tout bouge.

 Tout descend. Tu glisses Et ton estomac remonte. Presse ta main. La câble a lâché.


Cale toi contre la porte. 
 

Pense pas aux étoiles, pense pas, arrête de penser. Si tu penses le ciel va s'éteindre.

Ça te déchire.

Ça bouge. Ça tangue. La porte bouge. 
 

Tu seras dans le grand escalier. La rampe où est la rampe ? Un livre ! faut un livre. 

Un livre pour t'accrocher. Faut redresser. Rétablir une vérité. 
 

J'aime bien les histoires, celles des autres. Moi qui je n'en fais jamais. 
 

Savoir, si mon histoire, si elle avait pu exister, si mon histoire aurait pu avoir un air de

parenté.La même façon de marcher ? La même peur, le même courage ? 

 
 Non c'est pas vrai. Je ne fais jamais ça. Je ne cherche jamais. X ou Y je m'en fous. Je

           veux m'accrocher. Il fait froid, il fait nuit, je tombe. Trouver la rampe. 
           
          
           Le nom, le sexe, tout ça je m'en fous. Je sais plus qui ou comment ni même

           pourquoi. 
         
         Je tombe là où personne ne trouvera. Rien, Ni Personne.
          


Je voudrais être sans famille. Une fois j'y suis presque arrivée. Sans famille c'est une

 pièce que tu peux jouer quand tu as tout. Mais quand tu n'as rien faut faire attention à

 ce jeu là , ça peut se terminer très mal à la générale.

 Tout en bas du grand escalier.

A guichet fermé. Fermé sous ton nez. Que personne ne rentre. Que rien ne sorte. Pan.

 Mais à trois tu joues ? 
 


Un livre. Qu'est ce que je fous devant cette penderie. Crever pour un livre mais pas

ici. Pas comme ça. C'est con, c'est nul comme fin. Personne n'oserait écrire un truc 

pareil.
 


         Il faut être désespérée pour aller quérir l'inespéré.
            

         ...C'est une phrase ça ?!! 
           
           Qu'est ce que tu cherches ? 
           

         Quérir...Si j'avais pas si mal..
          

        Ouais, c'est une phrase. C'est un début. Pas un moyen.

Comme on peut voir Dieu dans une pomme, à force de le chercher on finit par 

oublier de te donner à manger.
 

C'est un peu s'installer pour une sieste devant un feu de cheminée.
 

C'est un peu comme crever de soif et comprendre tout ce qui brûle dans le mot

 désaltérer.

Le moyen pour effacer la fin. 
 

C'est comme ça : lire. Ça fait cet effet là. Au départ. On rêve de se désaltérer. On a

 soif. Tout le monde vous le dira. Enfin tout ce qui savent traverser. En fin...

 j'imagine. Parce que la barque n'est jamais rentrée. L'espoir reste toujours accroché à

 la dérive. C'est ce qui nous empêche de couler. Si tu me crois pas ...laisse couler.

 


Sauf qu'en lisant, la pomme on la bouffe, la fenêtre on l'ouvre et on offre sa tournée,

 on se fait la tour du monde et son jardin anglais. 

C'est pas mystique, c'est héroïque. 

Même avec de la mie de pain tu peux y arriver. Effacer la fin. 

Et continuer de voguer!..

Souris , moi je dessine. 
 


Qu'est-ce qui nous pousse à prendre un livre, un livre après un autre livre, et puis un

 autre encore. 
 

Besoin de se trouver en cavale, de sauter par dessus le mur, geste d'alpiniste, geste

 de biche ?
 

A dix, on traverse, à dix on passe le pont, à dix on sera de l'autre côté ! A dix..
.

Page après page, prise après prise. 
 

Qu'est ce qui fait qu'on ne s'arrête pas. Qu'on continue. Que rien n' arrête le geste ? 
 

Les mots, les phrases ,les pages ,le geste. 
 

pas après pas - page après page- livre après livre 
 

( jour, après nuit)

 
nuit :

 
- reviens le jour !

 
C'est quoi cette lumière qui nous poursuit dehors ?



Je me souviens, du bruit, non. le son, je me souviens du son. La lumière qui remontait

l'escalier.C'était comme une phrase qui s'écrivait. La lumière et moi ont te suivait. 

L'odeur j'en parle pas. Je la garde sur moi. Je partage pas. A trois, à dix , et même en 

sang ça je ne partage pas. Ça n'a rien à voir avec le fait d'avoir mal. 

Ça a « à être » avec la beauté.

La lumière et moi on en parlait dans l'escalier.



( jour s'approchant de la nuit) 
 

...debout ! 
 


Parce qu'on sait que ça vaut le coup, que ça tient le coup, que ça tient la route. On 

s'en doute. 
 

Ça vaut la peine, ça vaut la peine, à chaque page, à chaque phrase, à chaque livre, ça 

vaut la peine de continuer.

Ça vaut la peine de vivre. Ça valait toute cette peine d'essayer. 
  

Parce qu'on désespère alors que voilà injustement c'était inespéré. C'est pas une 

phrase. C'est juste un palier. 
 

Un livre il me faut un livre, une ligne, il me faut une ligne. 
 

J' veux pas crever. Comme ça sur le palier. 

C'est risible, c'est misérable, c'est illisible.



dis une ligne !  une seule ligne.





© - Astrid Shriqui Garain
















 

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