Payot-rivages - 9782743635961
L'amitié…Idée,
chose, concept, émotion... sentiment ?
En ces quelques pages,
qui sont d'une très grande richesse, d'une incroyable densité,
Simone Weil nous rappelle à l'ordre universel de l’âme, du cœur
et de l'esprit.
Parlons en amitié,
entre nous donc.
Puisqu'il ne peut se
concevoir d'amitié sans un cercle.
Non resserré,
l'amitié n'est pas un collet, un cercle qui doit au contraire
tendre à s'élever et à s'élargir.
Amitié. Quelle
belle parole. Quel mot extraordinairement difficile à définir.
Ressentir oui. À se dire, c'est beaucoup plus sérieux.
"C'est mon amie", ..."voilà mon ami" .
Ce
n'est pas rien. C'est un engagement. Pas une promesse. Un engagement.
Ces pages de Simone
Weil sont extraites des « Formes de l'amour implicite de
Dieu ».
Elles ont pour objet
le devenir de notre pensée comme nous le rappelle Valérie Gérard
dans sa préface.
« Devenir de
notre pensée. »
Pensée d'amitié
dans « la force des affects et de l'attachement à l'autre ».
Et c'est avec une
netteté et clairvoyance de langage que Simone Weil taille devant nos
yeux le portrait de l'Amitié.
Il faut tout
d'abord, chasser le Mensonge. Mensonge qui tenterait de cacher la
réalité de l'affect.
J'ai besoin de
satisfaire un élan hors de moi pour rejoindre l'autre qui est
extérieur à moi.
Je suis un être
sociale, social, socialisant, socialisé. Mais si le rapport se
ressert j' intériorise l'autre par exces, et l'élan se brise.
L'amitié s'étiole,
s'étouffe, s'efface.
Ne pas reconnaître
cette contradiction éternelle de l'amitié est un mensonge.
Donc
lorsque l'on parle d'amitié il faut parler d’équilibre.
Il faut tendre à ce
parfait équilibre, la bonne proportion des choses.
Puisqu'en réduisant
l'autonomie ou au contraire en le revendiquant avec trop de force on
risque de briser le cercle.
Équilibre des
choses. On ne peut pas supprimer c'est deux extrêmes on peut juste
tenter de rester un merveilleux équilibriste.
L'Amitié. Ce
sentiment divin.
« L'amitié
est le miracle par lequel un être humain accepte de regarder à
distance et sans s'approcher l'être même qui lui est nécessaire
comme une nourriture ».
Oui effort, l'amitié
réclame un effort d’équilibre. De distance.
Elle transforme,
enseigne. Enseigne qu'il faut savoir s'arracher de ses propres
affects pour ne pas transformer une amitié en fusion destructrice.
L'amitié. Sentiment
de pureté.
Il n'y a pas de
séduction en amitié. Plaire n'est pas un verbe d'amitié. Il n'y
trouve pas sa place.
Plaire c'est
convaincre d'une vilaine manière.
Il faut sans sens
aller se confronter au monde et à ses contradictions.
Quite à se mettre
en zone d'inconfort. Oui c'est parfois inconfortable de faire un
effort. D'exiger la réalité. De reconnaître l' altérité et
l'intégrité.
Faire la part entre
la necessité et le besoin.
« la contradiction nous fait
éprouver que nous ne sommes pas tout ».
Non nous ne sommes pas
tout, ni pour soi, ni pour les autres.
Penser autrement serait
monstrueux.
Nous ne sommes pas
voués à être des monstres.
« Le réel
c'est essentiellement la contradiction.Car le réel, c'est
l'obstacle, et l'obstacle d'un être pensant, c'est la
contradiction. »
C'est la pensée qui
nous faire passer les obstacles, elle ne les efface pas, ne les chasse pas.
Pour Simone Weil
l'amitié est nécessaire et impossible à la fois. Tant le désir
nous fait sortir de nous.
Mais on y tend, on y
œuvre, on y explore, on s'y exerce. Et c'est une joie. Une joie car
malgré l’instabilité que provoque cet affect, et bien, le miracle
se produit.
Un miracle de vie.
Tout est là pour
que cela ne fonctionne pas, et pourtant , l'amitié agit. L'amitié
agit et ouvre l'espace de la pensée. On grandit, on s'élargit. La
pensée ne s'arrache pas des affects mais elle doit être disposé à
se laisser affecter. Pas infecter, pas empoisonner.
Le vivant a le
pouvoir d'être affecté.
Sans cela peut on
parler d' âme ?…
Être sensible, être vulnérable, être
imparfait, mais qui tend à rester en équilibre constant pour ouvrir
sa pensée en toute liberté, et offrir, partager cette pensée en
Amitié.
C'est ainsi que
cette pensée peut fonctionner et si elle pose problème elle trouve
réponse en elle même.
Car l amitié est
une matière qui vit dans la réalité, et pour s'y maintenir elle
force la pensée à bouger, à « sortir de ses cadres ».
L'amitié est le
reflet de l'amour divin, une union des contraires, une harmonie.
C'est pureté et
vérité également. La nécessité peut empoisonner une relation.La
détruire.
Là où il y a
nécessité il y a contrainte, domination, souffrance donc.
C'est un malheur.
Seul le miracle de
l'amitié peut rétablir l'équilibre
« L'amitié
est une égalité faite d'harmonie » disait les pythagoriciens.
L'amitié est
beauté, c'est une clé de l'architecture du monde.
Sans amitié rien ne
se construit. Et rien ne peut s'élever sans liberté.
« il y a
égalité parce qu'on désire la conservation de la faculté de libre
consentement en soi-même et chez l'autre ». « Il n'y a
pas d'amitié dans l'inégalité ».
Je pourrai résumer
très schématiquement cette pensée :
1+1 = 3
et 1+1 =2
2=3
2 ne sera jamais un.
1+1+1=4 également
et ainsi de suite, ainsi, ainsi de suite.
L'amitié est
exponentielle comme l'univers.
Car c'est une loi
universelle.
Deux amis ne forme
pas un.
Ils sont toujours
des êtres dissociés, ils sont toujours 1+1.
Le fait qu'il soit
ensemble réuni en amitié fait n'être, apparaître une étincelle,
une lumière, une intensité que l'on peut appeler divine.
Ils ne forment pas le
couple, la paire, une entité fusionnelle, un monstre hybride, il ne s'imbriquent pas l'un en l'autre, il ne s'entre dévore
pas.
Non. Il sont 2 et 3
à la fois. Et le 3 c'est justement le miracle.
La présence de ce
miracle.
« L'amitié
a quelque chose d'universel. Elle consiste à aimer un être humain
comme on voudrait pouvoir aimer en particulier chacun de ceux qui
composent l'espèce humaine.
Comme un géomètre
regarde une figure particulière pour déduire les propriétés
universelles du triangle, de même celui qui sait aimer dirige sur un
être humain particulier un amour universel »
Cette vision est
d'une puissance , d'une force extraordinaire !
Simone Weil était
une des intelligences les plus remarquables et indispensables à
l'humanité.
Elle était
philosophe. . Elle est venue en Amitié.
Elle est à présent
la bienvenue pour l'éternité.
Cette lecture je
l'adresse à mes amies et amis que j'aime, et à tous ceux que je
rencontrerai demain.
Qu'il me soit
pardonné parfois mon manque d'effort mais qu'il me soit reconnu ma
tentative constante d'équilibre.
Cette dernière
surpassant le premier, je crois que le miracle ne cessera jamais de
se réaliser.
Et je vous rassure
je n'ai nul nécessité et nul besoin d'écrire cela.
et comme je reconnais notre altérité, je vous assure que vous n'avez nul besoin ni aucune necessité à lire tout ce que j'écris là.
La route n'est pas
droite, il y a des creux, il y a des bosses, mais Dieu que la route
sait nous rendre beaux surtout lorsque les philosophes éclairent
notre chemin d'une si puissante façon.
Simone Weil
Simone Weil fut une
militante engagée, une très grande humaniste,
une femme qui a toujours su s'indigner.
09.2016
Astrid Shriqui
Garain
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