mercredi 9 octobre 2019

entre les lames




Photo : Mathieu Verreault - " Cosmic love" Cara Furey-2017




A l’orage du geste,

s’égoutte sur les lames de ta pensée

la mémoire de ton petit encrier.


Flottent des trains passés,

A l’arrivée de ton nouvel été

des pages tournées, ...de l’inconnu désiré

d’un ange détricoté

de tous les diables emmaillotés..


Des images comme des étoiles

et des chemins comme des lignes

qui dansent entre tes mains

Chaque quai est à l’avenir inventé.


Le mot qui ouvre l’œil sur les lèvres d’un soleil

et des torrents qui bouleversent les sens de ton sang

et qui rivages, naviguent, voyelles, passages

et déchirent de ses dents le rideau de ton âme.


Le petit encrier est un ciel qui ne connaît ni son début

ni notre fin.

C’est un corps qui pousse et repousse

Qui mange de silence, qui marche de vent

et qui enfante à la seconde de ces deux mains.


Et peu importe le nombre
et si peu emporte le temps,

d’un seul,de mille, ou des dieux,

A l’oral du geste,

Chantent les larmes de ta pensée.

Tu vois dans la mémoire d’un encrier

Ton sourire est bien la trace de tout ce qui nous fera danser.

Entre les lames d’un papier

qui sait ce que ton âme désire vraiment traverser.


"Entre les lames" , Astrid Shriqui Garain ,10.2019




mercredi 7 août 2019

à l'angle de la vue





  
"Darkness".Copyright Sophie PATRY

https://sopatry4.wixsite.com/sophiepatry


La nuit sous son château de voiles
pleuvait de lumière comme vérité sur le sable.

Ses chemins étaient des chevaux de hasard
qui croisaient des fenêtres en regard.

A l’angle de la vue
La route était de décembre
et l’enfant dans sa chambre.

Le fleuve était si lourd de pourquoi
qu’ailleurs le ciel allait écrire sur le sable. 

La ville n’a rien su, ni des voiles, ni de l’ombre.
Perdue dans ses miroirs, à perte de vie,
elle fermait ses volières.

C’était pour beaucoup un soir.
Un soir comme pour d’autres.
Voilà, c’était là :
la signature d’un départ.

On dit avoir vu des oiseaux de mémoire.
Mais on doit savoir deviner ça 
dans le reflet d’une étoile.

La ville n’a rien retenu,
ni son nom, ni l’instant,
Il n’avait que l’espoir sur le dos
cinq lettres dans sa peau
et quelque bagage en naufrage.

L’image, déjà de septembre
et l’enfant écrit toujours son histoire.

La ville était de sable
et la lumière à l’ambre de la rue.

La nuit est un radeau de voiles
Qui emporte toujours la musique d’une chambre. 

Une once de vie contre une ombre de nuit
que voulez vous qu’on efface ?
Des lettres sur le sable ou le château à voiles ?

Il n’est de nuit venue que celle qu’on a pas vécue.



Astrid Shriqui Garain, "à l'angle de vue", Août 2019



vendredi 2 août 2019

celle que je suis , nouvelle





People 1 - Photographe : SOPHIE PATRY
https://sopatry4.wixsite.com/sophiepatry/people




Celle que je suis

Trois jours que la neige efface nos pas. Je la suis. Il n’y a que « là-bas ». Nous n’avons que ça dans le corps : un possible. Chacune le sien. Nous ne partageons rien si ce n’est cette route, qui n’est même pas une route, même pas une trace. Une condition.
Pas un besoin ni même un rêve. Ici, on ne s’évade pas.
Il ne reste rien. Trois fois rien, d’aussi loin que je me souvienne de ces jours, il ne reste que ce que nous avons en nous.
Une déchirure parfois me rappelle au jour. Au jour d’une porte, au jour d’un visage, au jour d’une phrase, au jour d’une flamme.
J’ai tout le temps ce mal en tête. Je ne sais pas ce qu’il y a sous cette bande qui enserre mon crâne. Je ne veux pas y toucher. Pas y penser.
Elle me regarde parfois. Je vois bien que quelque chose m’échappe. Elle me regarde. Ne dit rien. Elle doit avoir à peu près mon âge je crois. Je dis elle. Mais ça pourrait être lui. Je ne sais pas. J’ai le sentiment d’une femme. Je la suis. J’ai confiance. Je suis. De toute façon, à travers la blanche inconnue qui nous contient je n’ai qu’elle qui me donne signe. Et j’ai le sentiment qu’il ne me voit pas.
C’est étrange. Je devrais m’occuper de ma tête, penser à cette faim qui me ronge chaque jour davantage. Tout ce qui me préoccupe c’est de savoir qui marche et me précède. Ça changerait quoi de savoir ? Peut-être que je saurai ce que je suis. C’est possible. Quelqu’un devant moi c’est comme un axe autour duquel s’enroule la foulée de mes pensées.
Je ne sais rien. D’où je viens ? Quel est mon nom ? Est-ce que ça me manque vraiment ?
Elle s’arrête. Je m’arrête. Il aurait l’air inquiet. On dirait qu’elle devine ce que je pourrais redouter. Être perdu. Mais on n’est pas perdu quand on ne sait pas d’où on vient et encore moins où on va. Alors non, nous ne sommes pas perdues. Ce que nous avons connu s’est absenté. Nous vivons dans l’absence. Une absence qui risque bien de m’emporter. Tellement elle me contient. C’est du vide qui me presse et qui m’oppresse.
---
On a passé une muraille d’acier, de tôles, de blocs de pierre. Elle a ramassé quelque chose et l’a mis dans sa poche. J’ai fait pareil. Je ne sais pas ce que c’est. C’est lourd, froid, ça a le goût du sang frais. Le même goût que mes lèvres avaient lorsqu’elle m’a trouvée. J’étais sous terre. Dans la nuit. C’est venu d’un coup. J’ai senti que ça bougeait. Que quelque chose se soulevait. C’est moi qu’on arrachait à la terre.
C’est elle qui a crié ? Je ne comprends pas ce qu’elle me dit. Elle ne comprend pas non plus ce que je dis. Enfin, je ne crois pas.
- 1 -
Elle devine... quand je n’en peux plus de la suivre, quand j’ai soif, quand je n’y crois plus. J’ai envie d’y croire. Au moins à sa présence.
Partout l’absence.
Il y a de la lumière qui passe au-dessus de nous. J’ai compté. Trois blanches, la cendre, trois blanches, la cendre… Ça ne s’arrête jamais. Il y a ce bruit que j’entends parfois. On dirait que ça marche ou plutôt que ça file derrière moi. Ça me frôle. Maintenant c’est à côté de moi.
Elle marche et je la suis. Le vent efface les contours de ce qui nous entoure, tout se ressemble, tout, à part moi. C’est la nuit où rien ne bouge. Je suis. Les bruits sont là. Toujours. J’ai appris à ne pas me fier à ce que je vois. Ce que je crois devient de plus en plus sûr en moi. Ce que je crois me rassure. Je la vois, mais ça ne suffit plus.
Depuis hier, je me dis que si je vis tout ça ce n’est pas sans raison. Que celle qui marche devant moi ne m’est pas inconnue. Que je suis comme elle et que cette certitude ne m’absente pas. Je tiens avec ça. Je dis hier, mais ce mot c’est comme de la poussière qui tombe du plafond de l’espace. Les mots me distancent.
Le vent ne passe plus, on dirait que quelque chose d’invisible glisse autour de moi. Nous sommes en dedans, mais en dehors à la fois. Habitante et mystère enchaînent leurs pas. J’ai des mots qui m’arrivent comme des feuilles tombées du ciel. Ça arrive quand ça se déchire dans ma tête.
Le mot « évacué » par exemple. Ou encore « Ave.Nu ». Un autre aussi, de plus en plus souvent… : « Partir », celui-là il vient lorsque ma gorge se déchire. J’étouffe ; j’ai du sable qui entre. Je veux arracher le masque. Tout s’effondre en dedans. Les mots sont comme des rochers qui viennent percuter un palais de glace.
J’ai un masque qui me recouvre la bouche et le nez. J’ai essayé de l’enlever. Elle a crié et m’en a empêché. J’ai compris qu’il fallait le garder. Peut-être que sans lui je ne pourrai plus la suivre… J’ai ça depuis qu’autour de moi tout s’est soulevé. Quand elle m’a trouvée. Ou peut-être retrouvée.
Il y avait une chose dans le ciel. Il s’est posé. Et il nous a emmenées. J’ai fermé les yeux. C’était avant que la neige recouvre tout ce qui me dépassait.
Peut-être que je ne lui ressemble pas. Peut-être qu’elle le sait et moi pas. Et, si je ne sais rien, c’est que je viens d’arriver, je suis peut-être la première de mon espèce… ou la dernière. Est-ce que là-bas la pluie s’est arrêtée de tomber ?
Je suis, je la suis, mais je ne suis pas comme elle, elle marche et je glisse.
C’est un pays froid, qui n’a qu’une seule odeur. Elle est partout, peut-être que nous la portons en nous ? Il y a des couleurs, mais une seule à la fois. J’en ai compté cinq depuis que la chose s’est arrêtée et s’est posée.
- 2 -
Un pays pierre, un pays mer, un pays sable, un pays arbre, un pays glace.
Elle est comme un pays. Elle change. La même mais un autre, avec d’autres bruits.
Elle a la couleur de l’encre. Hier, je disais qu’elle était du pays de neige. Hier, c’est un mot qui fait le même bruit qu’une allumette brûlée.
Je ne me retrouve pas. J’ai besoin de me rassurer. Je la vois. Je suis. C’est déjà ça.
Peut-être que j’ai mal vu. J’ai peut-être cru... Peut-être que ce n’était pas elle ? Un autre ? Et si c’était moi ? Ça ne peut pas être moi… Elle marche et moi je glisse. Vers quoi ?

Je me rappelle d’une ligne d’encre… avec des îles comme des feux. Je crois que la neige n’était pas là. L’eau tombait de partout et sur tout, du ciel… sur mes joues, dans l’encre et sur la mer. Je me souviens de ça. J’avais l’impression de me noyer. Après… plus rien. Après son cri, l’objet, ma tête, ces pays.
Il y a bien ce bruit. Mais je ne sais pas où le placer. Avant ? Maintenant ? Peut-être que ce bruit est dans ma tête, quelque chose y est peut-être entré ?
Je ne suis peut-être pas comme elle, peut-être que je suis un objet… Mais un objet ça ne pense pas… ça c’est juste ce que je crois, ce que je vois c’est que je glisse, moi je ne marche pas. Je ne fonctionne plus. Ça doit être ça. Qu’est-ce que je faisais sous terre ?… Je viens de là-bas ? C’est pour ça qu’on doit y aller ? S’en retourner ?
Elle s’arrête. J’arrête. Tout s’arrête. Elle ne se retourne pas. Trois jours… mais ça ne veut rien dire…
Comment savoir la longueur et même l’épaisseur d’un jour ? Peut-être que je devrais compter en couleurs... cinq couleurs… en odeur… une couleur… compter sur elle pour me le dire.
J’ai des jambes. Je le vois. Mais je crois que je ne les sens pas. Je les touche, mais c’est comme quand je touche mon masque. Ma main sait, mais ma tête croit. C’est bizarre, je crois que je pourrais glisser comme ça encore très longtemps… c’est quoi ce truc qu’on a ramassé ? Ça va nous servir à quoi ? C’est lourd et c’est froid. J’ai fait comme elle... peut-être que là où nous allons ça nous servira.
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L’objet se remet à sonner. Il y a des fils verts qui agitent des ombres sur les murs. Je tremble au même rythme qu’elles frissonnent. Elle n’est plus là. Mais je l’entends marcher. Elle s’est absentée. Mes jambes sont avec moi. C’est encore ça. Il faut que je patiente. Je sais que ça ne va pas s’arrêter là.
Quelqu’un ou quelque chose a pris ce que j’avais ramassé. Moi aussi on m’a ramassée. Peut-être qu’elle m’a trouvée, prise, emportée. On sert peut-être à ça. À remplir du vide.
- 3 -
On prend, on ramasse, on transporte, on dépose, plus loin on recommence ; tout le temps.
C’est peut-être ça, dans ce monde ce qu’on appelle : possible.
Un tissu d’invisible fait de points de possibles, à travers lequel on pourrait lire de qu’il y a vraiment de visible.
---
La sonnerie s’arrête et recommence. Je n’ai pas compris à quel rythme ça reprend. Le bruit n’est plus dans ma tête, ça j’en suis certaine. Je le sais depuis que la douleur s’est arrêtée. Question de rapport à mon corps étranger.
Toujours la même odeur. Mais le pays a changé. Je ne glisse plus. J’ai cru que je flottais, mais depuis que ces fils verts se sont mis à dessiner, je crois que tout semble être arrêté. Tout, même ses pas. Elle n’est plus absente. Je ne suis pas sauvée, mais fatiguée. Les fils ont fini de danser. Voilà, je glisse. On reprend. On ne s’évade pas.
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J’ai crié. Je sais que j’ai crié. J’ai entendu dans ma tête des miroirs de lettres se fracasser. C’était comme des murs qui s’effondraient. Mon cri avait une couleur inconnue. c’est la première fois depuis la pluie que j’entends une voix. C’était la mienne. Ça je le crois.
Il pleut, mais la pluie ne me touche pas. Rapport à ce monde dans lequel un nom m’est toujours étranger. Le mien. Habitante et colère commencent à discuter.
La boîte est ouverte. Je suis dedans. Je flotte. Je n’ai pas froid. Je n’ai plus de bandage. Mais je n’arrive plus à bouger la tête. Je fixe un ciel, couleur sel vitrifié. Elle est de dos et moi de sommeil.
J’ai une idée en tête, mais elle est à l’arrêt.
On frappe sur mon masque. Des coups, de masse, de poings. Si ça continue comme ça ma tête va exploser. J’ai chaud. Y a des bruits là-bas. Ça rampe, ça se faufile. Faut pas les faire entrer. Pas les laisser passer. Ça va m’emporter. Faut pas que j’aille là-bas. Je vais encore glisser sur la neige. Je ne veux pas qu’on me retrouve ni qu’on me suive. Ça recommence. Le mot souffle dans tout mon corps. Je veux ce mot, je veux partir.
Je n’entends plus rien. Rien que l’absence. Est-ce que je suis encore loin ? Je sais qu’elle n’est pas loin. Elle ne peut pas m’avoir remplacée. Où est passé mon objet ?
Je suis debout. Le monde est à la vertical. Je suis l’axe autour duquel se déroule un ballet insensé de silhouettes. Rien de précisément exact. Je suis debout et mes jambes sont des ciseaux qui découpent des formes étranges dans l’espace.
- 4 -
Je pousse. Ça tire, je tire, ça me retient. Des fils, des fils me tiennent les mains. La tête, le dos, le ventre. Pieds et jambes. Je ne suis pourtant reliée à rien. Recousue de fils blancs. Des fils s’échappent de moi. Je n’y comprends rien. Je suis debout, je m’effiloche. Je me détache. Les fils se relâchent.
Est-ce que là-bas la neige a vraiment effacé nos pas ? Où est-elle ? Je n’entends plus ses pas. Je suis seule devant moi.
Ça coule. Coule en moi. Ça me remplit. Le vide s’écarte.
Ça frappe dans mon corps. Ça fait un bruit fou. Qu’est-ce qui frappe comme ça ? Ça ne veut pas dire ce que j’ai dans le ventre. Çà vient du cœur ? Ramassé ? Remplacé ? Réparé ? Ça remplace le vide ? Mais le vide à présent où est-il ? Qu’est-ce que s’entrechoque et qui s’accroche en moi ?
Le mot me revient en bouche. Partir est le torrent par lequel je vais ressortir.
Un pas. Je ne tombe pas. Un autre pas. J’ai sur les lèvres un autre goût du temps.
Avenue. Elle filait devant moi. J’étais platane, grille, j’étais l’objet, le feu qui brûlait la forêt. J’étais l’acier, j’étais des lames tombées du ciel, j’étais flocon, soupirail, plongée dans mes entrailles, j’étais le passage du vent, j’étais invisible, absence, sans réponse, sans question, sans raison. Je roulais et glissais sur les fibres d’un papier de cristal.
Après...L’image de l’objet se projette. Où est-il à présent ? Le manque me laisse des traces de papier blanc.
---
Ça brille devant moi. c’est comme une porte ouverte. c’est trop petit pour être une porte. J’avance à mes pas maladroits. Pourvu que les fils me laissent faire. Pourvu qu’ils ne me retiennent pas. J’allonge un bras. J’ouvre la main. Je touche. C’est lisse, et c’est si blanc. Un soleil de cendres revenu du néant. Possible. Possible de voir, d’entendre, de comprendre.
Elle est là devant moi. Elle est prisonnière d’un carré de glace. Elle est devant moi. Je vois et je crois qu’elle est comme moi.
Celle que je suis est peut être en corps devant moi.


Astrid Shriqui Garain, III. 2019





Ton pays







Mes yeux se portaient sur chaque coté de la rue.

 
J’aimais ce village pour ce qu’il m’avait donné :

L’amitié de mon père,
 
et la certitude que l’enfance n’était pas un pays vaincu.

 
Ils revenaient vers moi ceux que je croyais disparus.

 
La lumière riait aux pierres ,
 
et les pierres chantaient de la fontaine venue.
 

Tous les étés sur le chemin de nos rêves
 
parle d’un enfant qui donna son sourire à cette rue.


Billes d’agates,
 
Abeilles venues,

Premier orage,
 
Lettres tenues.
 

Mes yeux se portaient sur chaque coté de la rue :

La mémoire de mon père,
 
et la certitude que l’amour
 
n’est jamais un pays perdu.




Astrid Shriqui Garain, ' Ton pays" 08.2019

mercredi 31 juillet 2019

comme de sa chaîne






Projet Racines de Clément Lesaffre.
https://www.facebook.com/leProjetRacines/



Le vélo dans la haie
La vitre comme un ciel
Le ciel gris de silence
Et l’enfant qui se joue

Des craies dans ses poches
La photo qui murmure
Du soir suivant
Au nom du jour
Suivant le vent 

De la craie sur un mur
Et puis l’enfant qui souffle
La musique du pain dur
Dans le cou du temps

Le vélo qui s’en fout
du rayon comme de sa chaîne

Sous la capuche comme il rêve
La photo
Dos au mur
Et de ses mots jusqu’au ciel
Tous les regards de l’enfant. 


Astrid Shriqui Garain, Comme de sa chaîne, 07.2019



lundi 22 juillet 2019

au fil de l'araignée




Huile sur toile d'araignée de Jean-Jacques Vigoureux

 

Le linge est déplié
au fil du temps
au bord des routes
Bobine de chant 
au fil de l’araignée.

Petits travaux de musique.
la page est tournée
sur portes refermées
et toutes les clés sur la portée.

La boucle est bouclée
au fil de l’eau
au fil de fer.
au bout des doigts.

Le linge est replié
au fond du coeur
au fond du trou
au fil du ciel
la toile s’est envolée. 

A travers mots
défile
la lumière soie.

 

Astrid Shriqui Garain- Au fil de l'araignée- 07.2019 -

 

vendredi 19 juillet 2019

mon coeur dessine le profil des collines


Photo : électrocardiogramme de Mario Prassinos; 1973 
" mon coeur dessine le profil des collines"




"Nos cris d'argile enveloppés dans le vent.
nos mains ouvertes comme des gueules de géants,
à travers une crinière d’algue brune
toute la lumière rugissait comme ruisselante fortune."

Astrid Shriqui Garain , 07.2019 - "le sceptre des crabes"

Contour

Photo : Bessie au manteau ( ou Bessie ensanglantée) 
huile sur toile de Mario Prassinos 1970.



Forme contour qui me contourne
qui détourne et se dérobe,
empreinte et dérobe
la présence d’un corps.
Un visage pansé éventre mes pensées.
Tu es détour, marque page d’un palimpseste inventé,
cadre case qui étire l’envolée d’une histoire croisée.
Fabuleux volume d’un désir prononçable,
La lacune d’un corps sous un informe obscur
opère sous des regards muets.
Forme torse aux jambes d’oriflammes
rime sous le voile d’un idéal imposé.
La forme suppose tout ce qui peut être imaginé.
J’écartèle mon idée, et bientôt le temps apparaît
où le fleuve déroule ce que le torrent contenait.


Astrid Shriqui Garain, 07.2019, "Contour"



lecture de l’exposition Berthe Morisot, musée d'Orsay 07.2019



Photo : Huile sur toile de Berthe Morisot


 De fenêtre sur doute en jour contre fait,
ce qui se tient détoure l’usage du monde. 

L’ombre s’ouvre comme une paupière au secret.
Elle arche et pente chaque colline.

L’enfant heurte,
les dos courbent,
et les linges sont lents,
à la mesure,
juste mesure,
comme un soupçon de silences trop blancs.

Au son, au rythme,
aux couleurs des saisons
on sent la solitude mépriser l’abandon
et l’habitude provoquer ses pardons.

Sur l’ailleurs,
au tournant des murailles,
Lorient s’écaille sur quelques chapeaux en paille.

Violon d’étude en passe muraille
Dans la cadre des maisons,
entre pinceaux et quatre murs
l’enfant murmure son volume.

C’est à l’heure qui passe sans doute
qu’il convient de peser sa question.

En miroir l’horizon découvre
la chasse d’un papillon de satin noir
ouverte contre le mur d’un salon .

Astrid Shriqui Garain, 07.2019,
lecture de l’exposition Berthe Morisot, musée d'Orsay (07.2019) 


ça file








Photo : compagnie FOLIA, spectacle de marionnettes 
" "Auto da Índia",( extrait)


 La file s’allonge.
Le portier fait la gueule.
On tape du pied. Rien ne bouge.
Du coin de l’œil, les caissières font aux clients leur grand signe.
Clair obscur sur le marché.
Un zigoto de la « popote verte » s’acharne sur un micro.
deux caddies coincés dans un escalator.
Résultat : ça s’arrête, tout s’arrête…
comme les murs. "


Astrid Shriqui Garain, 07.2019, " ça file"



mercredi 10 juillet 2019

Ache




"Ache" . 07.2019 
Café, crayons
Astrid Shriqui Garain


Le ciel écorche sa laine aux épaules de novembre.
Sa carrure de pierre se balance dans les fibres de la terre.
La traverse de ses bois s’écoule entre mes doigts.

Le silence est à mon pas.

J’aime l’acier de cette âme.
Son profil de plomb,
sa voie qui hurle au gueule de nos croix.
Il me revient le goût des combats.

J’aime le ventre forge de la meute.
Son corps pesant contre ce froid,
et le soupir de ses choix.

La main est forte.
Elle ordonne la braise.
L’oeil tempête,

Une cape lourde s’emporte.

J’aime cette solitude,
l’absence redoutable de la proie.

J’arme mon torse de novembre.
Sauvage nature me suivra.

Le pas  s’assure
aux sabots de la braise.

Novembre !
Écoute !
Une étoile s’approche, là-bas…


Astrid Shriqui Garain , Profil, 11.2013 




La côte








La côte - 07.2019
Astrid Shriqui Garain 
Encre 


On va faire comme on veut,
et le temps lui, n’a qu’à passer où il peut.



Astrid Shriqui Garain - Ma plage,  12.2013 

Juillet





"Juillet"
Astrid Shriqui Garain
Café, encre, crayons, pastels, aquarelle.


 Semaison de larmes dans un lit de chanson.

Les fictions de l’âme, au feu de la raison,

embarquent, ce soir, sur une plage, l’horizon.


10.07.2014
Aux chevaux ailés.

jeudi 4 juillet 2019

le fablier




  "Le fablier" , 
Hibiscus et encre de chine
Astrid Shriqui Garain 

  
L’aile d’oiseau est fablier
A travers les verres et les étoffes
un mot follet au présent fort

à la porte d’une aurore
Porte métal d’un siècle dort

Murmure de sable
- rêve de glace
L’ample métal d’un verbe d’or. 



"Notule", Astrid Shriqui Garain, 07.2019
 

mardi 2 juillet 2019

Torque






"Torque" sculpture de Mark Attebery
Torque
                                      
A l’animal du fleuve,
en vrille capitale,
sur l’arc d’un corps
à mon centre inversé,
et tes yeux sont des lianes
où se racinent des mots affolés.

Astrid Shriqui Garain, "Torque", VII.2019


Metropolis






Ici comme un Ailleurs
aiguille l’unisson. 

Sous un tableau de sable
le marbre sommeille dans un rêve. 

Ici comme Ailleurs l’éclat se déchaîne
contre des murs de poussière. 

Dans un monde aux paupières cousues
l’imaginaire souterrain ensouffle l’évasion. 

Ici comme Ailleurs
à travers ses images verticales
la ville respire à l’intérieur de l’œil. 

Ici comme ailleurs
L’amarre des jours tire leur cercueil. 

La bande d’un son sillonne la nuque
d’un silence profond.

Ici comme ailleurs
la forme martèle l’absence du sens.
Elle frappe l’oeil. 

En voie d’inspiration,
Le vide est un espace d’interrogation. 

Ici comme ailleurs
la nuit sans doute,
et sous ses ombres l’homme pointille.
Le cœur boite sous le tonnerre du monde. 

Reprendre connaissance de soi
par ici comme un ailleurs
dans le voyage de ses heures
hors de soi relance chaque question. 

Nulle part en soi ne peut vivre seule. 

Ici comme Ailleurs :
l’horloge du monde se répand à l’unisson. 


Astrid Shriqui Garain - " Metropolis" - VII-2019

vendredi 17 mai 2019

Un appartement sur Uranus, Paul B. Preciado

 

« Nous comprenons mieux le monde, dit Glissant lorsque nous tremblons avec lui, car le monde tremble dans toutes les directions ».

 C'est le récit d'un voyage. D'un voyage à travers l'espace, à travers soi, le temps, l'histoire, la chair, un voyage du dedans qui porte beau un futur déjà naissant. C'est un journal de bord, de l'ouverture d'une voie, l'écrit d'un premier de cordée. 

C'est un livre de chevet. Rêver ce n'est pas se perdre, s'égarer, c'est voyager, imaginer, inventer. C'est une évolution, c'est au-delà d'une révolution. C'est une marche, construite, informée .

 Paul B. Preciado nous parle de ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous pensons croire, ce que nous redoutons, de ce qui nous entrave, nous enchaîne, nous retient ; Il nous parle de ce qui nous sommes, de ce que nous pouvons oser, tenter. Ce qui aujourd'hui nous semble inconcevable, au même titre qu'il était inconcevable de penser que la terre était ronde…
C'est le monde comme il fut, est et espérons qu'il deviendra. 

C'est philosophique, politique, organique, poétique. Cela fait longtemps qu'un livre ne m'avait pas traverser de la sorte. L'écriture est belle, percutante, rebelle, pertinente, poétique, délicate, fracassante, bouleversante.
Je pourrais extraire nombres de pages, de phrases du livre de Paul B. Preciado. J'ai envie de tout retranscrire pour mieux partager mon émotion avec vous, gens du Livre voyage. 

Ce n'est pas un roman c'est un recueil d'écrits. Une bouteille à la mer, le signal lancé à travers nos espaces, la lanterne palpitante à la proue d'un vaisseau. le monde sera tellement plus grand avec quelques Paul B Preciado en plus.. Après tout... l'imprimante 3d est déjà entre nos mains.
 

« les transitions sont ta maison ». 

« Tu écris à des enfants qui ne sont pas encore nés, et qui vivront eux aussi dans cette transition constate- qui est le propre de la vie ». 


« Ils disent crise. Nous disons révolution ». Puisque c'est « une relation politique de domination qui associe, espèce, race et nation ». Amis, tremblons ! Non de peur mais d'émotions, de vouloir ! 


Le corps, la peau, l'esprit, la terre , la patrie, le nom… de quel pavés emplissons nous les barques de toutes nos folies, de toutes nos haines, de toutes nos déraisons ?. 

« Le corps n'est pas propriété, mais relation. L'identité ( sexuelle, de genre, nationale ou raciale) n'est pas essence mais relation ». 


«  L'espoir est la plus belles des putes » écrit Ika Knezevic. « Alors je désire que cette pute passe la nuit avec moi. Je veux la caresser et dormir avec elle.Je veux me mettre au lit avec cette pute.Je veux m'asseoir à côté d'elle et lui laver les pieds.Parce que cette pute est tout ce qui nous reste et qu'elle est le meilleur ». 

Exil, transit, frontières…Lisez ces textes, réfléchissez, écoutez le monde trembler, trembler entre nous, contre nous, vers nous, en dedans nous. Tremblons de tout notre plus bel ensemble. L'immobilité est éphémère, le mouvement est perpétuellement en nous. 

Vouloir changer, changer le monde, la vie, proposer des itinéraires, des pistes, des routes, passer des montagnes, des vallées, rejoindre d'autres rives...

C'est ainsi que nous marchons depuis la première algue, la première cellule, depuis le premier soleil, depuis la première pluie.

 Merci Paul B. Preciado merci Les pôles sont en migration ! le soleil n'est que révolution ! 


Astrid Shriqui Garain

mai 2019. 

 

lundi 8 avril 2019

Dessous la cendre







Sculpture/ Installation  de  Béatrice Bizot
 http://www.beatricebizot.com




À la table de l’absence l’ombre prend ta chaise.
Tu es d’ailleurs
déjà
sans parole et sans nom.

En quatre murs il y a l’image oubliée
elle marche seule et récite son chapelet.

Les icônes s’écaillent.
Desséchées,
vides
insensées.

Un silence sur leur poussière d’êtres passés.

Dans ce pays là, tu n’as pas existé.

De la terre détachée
de la lumière devinée
de la solitude protégée
Tu es de là, de cette terre qui te reçoit,
qui te rassemble et te surprend  dans l’émotion insoupçonnée.

Tu es
mains tenantes
en Présence.

Mains fortes et tremblantes
marche pendante dans la gorge d’une écoute.
Tu es d’ailleurs.
Dans un sang nom
Parole d’Enfance remise en corps.
Il te revient la mise au monde.

Claire voyante de ce qui te devance
et qui jamais ne t’échappait.

De la terre adorée
de la lumière protégée
et de toute solitude partagée

comme volute dessinée.

À la table de l’absence l’ombre prend ta chaise
Outre passante
tu es d’ailleurs
opposante à toute pose restante.

De silence, les mots avancent
De rature en déchirure
soudain le trait.

Dessous des cendres,
Ils t’attendaient pour s’envoler.


Astrid Shriqui Garain 04.2019, "dessous la cendre".


Dreamtyque





Mémories - pastel de Fernand Khnopff - 1889 



Sous un pluriel d’éternité
l’image allée
au nom de seule
j’entends l’absence nous traverser.

Trois fois entre tes mains
tous les silences se redessinent
de dos,
de face et de chair
il était une fois
en un regard
Portées superposées

au centre c’est un mystère
toutes nos images sont déportées

Dans un battement d’elles trois lettres déposées
au nom de celles
paupières ouvertes et porte refermée.

alors attendre en corps
à cette inconnue offrande
être présence et revenantes
trois fois sur ta peau se sont ouvertes.
dans la lumière allée
un peu de celles
sur tes lèvres
entre mes mots se sont posées.

dreamtyque d’un langage
sur la trilogie d’un voyage
Tu vois ce qui s’écrie*

Trois fois,
dans tes yeux,

je les relie.


03.2019 - "Dreamtyque" 

à L.K


dimanche 10 mars 2019

Une langue de laine





"Les souliers" - Vincent Van Gogh 


Le corps en veille
dans un recueil de gestes
un homme qui veille
cloué sur un rocher
l’ homme qui parle
au corps halluciné
le corps qui pleure
bouleverse l’ encrier

Un corps qui s’ouvre
est-ce parole en vérité ?

Ses mains sont les brindilles
de son bel arbre brisé.
La nuit est à sa fenêtre penchée.

Le temps n’est que du sable
dans un homme sablier
en dedans prisonnier
dehors en corps la vie en Autre
tout devient soudain si proche
mais à son corps étranger.

Le possible blotti dans un regard
et c’est l’enfance dessinée.
L’homme garde l’enveloppe
de son adresse bombardée.
Il n’est que chair et n’est plus que pansé
pensé par d’autres
jamais écouté
l’homme qui parle ne dit rien
comment trouver le mot d’une fin
dans un matin-papier-maĉhé ? 

La vie tient à son souffle
au bout du fil les mots s’égouttent
le regard à sa fenêtre
l’homme revoie son corps se balancer
Il marche comme dans un rêve avec deux jambes brisées.
La vie n’est plus qu’ un désert en traversée.

Du lit à la fenêtre combien de pas pour se jeter ?
La question frappe aux quatre coins de ce béton armé.

Jouir, courir, désirer, saisir, embrasser
il marche dans le verbe d’un pronom personnel implosé.

Refuser, repousser, se dresser, exploser, se lever
il court dans un verbe au pronom personnel projeté.

Sourire, accepter, obéir, dépendre, attendre, entendre
il vit dans un verbe au pronom personnel imposé.

Du lit à la fenêtre se déroule toujours son geste.
De sa tête jusqu’au ciel la nuit découle de ses pensées.
Chaque grain d’une heure a le poids de son passé.

Un corps en veille
dans son cercueil de gestes
pense toujours sa liberté.
Choisir, partir, quitter, se délivrer
il parle de son verbe au pronom personnel refusé.

Un cœur au bord de sa fenêtre
écoute en corps l’oiseau chanté.

Il ne sait vivre qu’avec un bout du ciel à son côté.

Astrid Shriqui Garain, « une langue de laine », III.2019.