Notre-Dame-aux
écailles . Deuxième recueil de nouvelles de Mélanie Fazi paru en
2008 aux éditions Bragelonne.
Fantastique.
registre fantastique.
Écriture fantastique.
Serpentine, le premier
recueil de nouvelles de Mélanie Fazi paru en 2004 m'avait enchanté.
Ce second recueil m'enchante tout autant que le premier , si ce n'est
plus, et il me propulse littéralement dans un champ littéraire de
haut niveau.
Le registre
fantastique n'est pas mon domaine de lecture privilégié. La science
fiction n'est pas non plus le genre littéraire vers lequel le choix
de mes lectures me conduit instinctivement.
Question de
culture...générationnelle ? Faux ...et vrai - à la fois.
Faux parce que Le
fantastique existait déjà eu 19e siècle. Donc il n'est
pas l'enfant spontané d'une nouvelle génération.
Rappelons nous
...Poe, Hoffman , Huysmans, Verne, Nodier, Villiers de l'isle Adam,
et puis... et puis…. la liste est très longue.
Le 20e
siècle ne nous a t il pas également offert l'honneur de lire
l'immense fantaisie d' Italo Calvino ?
Le 18e,
ne nous a t il pas livré le micromégas de Voltaire ?
Question
Culturelle ? Plutôt vrai. Ma génération a été élevée dans
un culture de désarticulation de langages. Là où nous convenions
d'un chat nous émettions le chant d'un strapontin.
Façon post-
surréaliste de décrire un quotidien post ou pré apocalyptique.
Nous triturions la
grammaire celle des mots celles des images, celles des idées
également.
Désarticuler un
langage c'est déjà le désarmer , ce n'est pas le démembrer.
Ma génération est
celle qui fut conçue par des enfants de la guerre. Ma génération
n'est pas unique et malheureusement partout dans le monde notre
famille s'agrandit….
Nous avons été
élevés, éduqués , presque formatés par des adultes qui avaient
tous joué un rôle durant la seconde guerre mondiale. Rôle de
témoin, rôle de victimes ou rôle de meurtrier. Actif ou passif ils
avaient tous été mis en scène lors de la seconde boucherie du 20e
siècle.
Le rapport me direz
vous ? Le rapport c'est que pour comprendre un peu ce qui
s'était passé il a bien fallu se regarder les uns les autres.
S'interroger, se
percuter, s'affronter, se pardonner, se bercer, de laisser aller, et
même se suicider parfois. Du moins tenter.
Il aura fallu
chercher dans les images, les phrases, et même les silences , les
indices, les traces, les empreintes de ce qui allait advenir.
Le passé est
symbolisé par l'enfance, la famille était pour nombreux le terrain
d'investigation par excellence. L'origine. Nous sommes arrivés à
vouloir écrire le film ou le livre des origines. Une horreur à
couper le souffle nous avaient presque littéralement retirer le
devoir d'imaginer.
Irai je jusqu'à
dire que le nombrilisme a rempli nos espaces littéraires ? Cela
serait exagéré, et faux sans doute. Mais il me plait d'évoquer
cette éventuelle dérive.
Disons que parfois
-reconnaissons le - il nous plait de nous reconnaître dans le
nombril d'un autre.
Le nombril étant
de forme sphérique, peut être que le registre de certains romans
tourne court face à notre œil rond.
Et puis un nombril
est plus léger qu'une poutre, et aucun nombril n'a envoyé un
matelos à la mort, ce qui n'est pas vrai d'une paille, surtout
lorsqu'elle est courte.
Mais là, je
m'écarte...d'un pouce.
L'imagination fut
reléguée au rang du registre « jeunesse ». De
l'évasion ludique, du « pas tellement sérieux tout ça » ,
de la détente, du jeu.
Le jeu.
Comme si le jeu ne
contenait pas toutes les arcanes des modèles éducatifs possibles.
Le jeu fait parti du
domaine cognitif, on l'oublie trop souvent.
On apprend en
jouant.
Il suffit d'observer
tous les jeunes mammifères pour le comprendre.
Pas sur qu'un loup
arriverait à se nourrir correctement sans avoir appris la ruse en
jouant avec ses frères et ses sœurs…
Fantastique :
science fiction, policier, science-fiction horreur, contes,
romances, aventures ou encore merveilleux, tous les genres de ce
registre peuvent être des terres fécondes de très belles et
remarquables écritures.
Vous me pardonnerez
le cheminement long et parfois tortueux de ma pensée, mais je
souhaite avec vous tenter de comprendre pourquoi le registre
fantastique est si rarement transmis par les voies académiques à
nos enfants.
Pourtant très
souvent on trouverait dans ce registre énormément de bases
éducatives interessantes : tolérance, respect des différence,
multiculturalisme, divers études psychologiques, technologiques, de
bio-éthique, d'économie, de politique, de stratégie etc….La
liste serait très, très, très longue.
Mais revenons à
Notre Dame aux Écailles et à son auteure.
Ce qui
m’impressionne peut être le plus chez Mélanie Fazi c'est
réellement la construction de ses nouvelles et la qualité de leur
écriture.
« La cité
travestie » est une fabuleuse contre marche sur Venise. « En
forme de Dragon « explore l'angoisse de la création
artistique. « Le train de nuit » : la mort, le
suicide, « Le langage de la peau », » les cinq
soirs du lion « , la danse au bord du fleuve » : des
appels et un éveil des sens. Mélanie se sert du merveilleux
registre élémentaire qui est en nous , autour de nous pour nous
faire traverser le miroir.
Cette sensualité
est toute poésie. Rien ne paraît anormal dans les nouvelles de
Mélanie Fazi. Tout paraît possible, imaginable, parce qu'elle sait
regarder et dire la terre des hommes.
Leur chair, leurs
pierres, le bout de leur chemins, leur peau, leur courant, leurs
espaces, leurs saisons, leurs tanières, leurs ventres lourds et
ronds, leur peur, leur soif, leur terreur, leurs bestiaires, Aussi
bien concerant « Notre Dame aux Ecailles », ou « Mardi
gras » , peut on parler de science fiction ? Oui nous
sommes ,nous les humains ,des bêtes à fiction.
A rêver, à
trembler, à espérer, à renaître.
Nous sommes phoenix,
licorne, nous avons nos démons, nos anges, et nous y croyons.
Nous avons besoin de
cela. Nous sommes fait de cette matière. De cette chair de possible.
Et plus nous sommes
capables d'imaginer plus nous terrassons les dragons.
Si nous n'imaginons
pas, nous n'inventons pas, nous ne créons pas.
Nous ne pouvons pas
changer le court d' histoire. Si nous avons besoin de tellement de
contes, d'histoires fantastques, c'est que nous avons besoin
d'histoire à nous faire vivre debout, et non de prières à nous
faire tomber à genou.
Je sais je parais
excessive. Toujours. Sans cesse. Mais ce que je pense est peut être
faux, mai je crois que c'est vrai. Vrai et juste.
L'imagination n'est
pas le mensonge. Le mensonge est une torsion de la vérité,
l'imagination ouvre la possibilité de toutes nos projections. Le
mensonge tend toujours à la clôture du débat , l'imagination ouvre
tous les débats.
Chacun a son idée,
sa conception de la littérature. Pour ma part je crois que la
littérature au delà de la qualité d'un style , est ce qui dans
le domaine de l'écriture peut changer le court des choses. Changer
la vie d'un homme, d'un peuple, d'une génération, changer les
mentalités, les regards, changer la perception que nous avons des
uns et autres, de tout ce qui nous entoure que cela soit animal,
végétal, minéral, aérien, amphibien, sous terrain, céleste ou
humain.
J'ai beaucoup aimé
ce recueil. Par deux fois cette auteure m'a été recommandée par
deux jeunes femmes, amoureuses de littérature et d'écriture.
Merci donc à Liza,
pour Serpentine et merci à Anaïs pour Notre-Dame- aux- Ecailles.
Merci de m'aider à
changer le court des choses. Découvrir un nouveau registre de
littérature c'est un peu passer la porte des étoiles.
Lire Mélanie Fazi
c'est faire de grands voyages.
Bonnes lectures !
Lecture, 09.2016- Astrid Shriqui
Garain
Et cette sensation terrible, quand tu as cette intuition, cette sensation, que viennent de tomber au sol les murs, les "limites" que tu t'imposais, sans savoir vraiment ni pourquoi ni quand... et cet univers qui s'ouvre à toi, cette liberté qui en découle. En tout...
RépondreSupprimerTa plume s'en ressent. Et j'aime !
C'est toi Liza qui m'a fait connaitre cette grande et très belle écriture de Mélanie Fazi. Je tiens à t'en remercier une nouvelle fois. Bises !
RépondreSupprimerIl faudrait que je lise celui-ci également... Bises à toi et porte-toi bien ! ;-)
RépondreSupprimerOui et tu me diras lorsque que tu posteras ton commentaire de lecture :) c'est avec un grand plaisir que je le lirai.
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