« profaner, c'est restituer à l'usage commun ce qui a été
séparé dans la sphère du sacré », écrit Giorgio
Agamben.
Profane est celui qui ignore. Il y
a un peu de cette résonance
là, de cet air là, dans l'exposition d'Edgar Sarin.
Peut-on parler d'exposition d’ailleurs.
Exposer c'est faire connaître. Mais considérant la demande de
l'artiste faite au public, à notre
commun de mortels,
je garde le terme : exposition.
Jeu exploratoire, jeu de cache
cache, coulisse, antre préparatoire. L'initiateur
nous expose.
L'objet
du regard poursuit son sujet.
Exposition, expérience
presque divinatoire.
Le lieu, le collège des Bernardins, est un
espace consacré.
Exposer, prendre le risque.
« une exposition
n'a de sens que lorsqu'elle met simultanément son initiateur
et le visiteur en péril" .
Dialogue entre l'initié et le
novice.
L'ancienne sacristie dans laquelle se tient l'espace est à
l'origine un lieu de coulisses où les prêtres se préparaient avant
les célébrations. Lieu d'initiation donc.
Initiation :
l'espace de notre réflexion.
Cette exposition
est mouvante, elle s'inscrit dans un espace temps qui lui est consacré.
Chaque
semaine, Edgar Sarin
invite quelques personnes choisies à s'enfermer dans la sacristie.
Ensemble ils redonnent à l'espace un nouvel équilibre, ôtent,
déplacent, transforment, élaborent.
Ces
moments de concert-ation sont pris en notes. Notes enterrées
après avoir été enfermées dans des capsules hermétiques en
laiton , dans un lieu tenu
secret, notes qui seront déterrées dans
cent ans et versés aux archives du Collège.
Le
temps donc. Archélogie préparatoire de la
mémoire. Acte de Présence.
Edgar Sarin est
ingénieur,poète, plasticien, musicien
et l'on ne peut rien soustraire.
Forces, poids, contre poids, lignes et coulées.
Objets dit
« anodins », communs, quotidiens, et qui se
révèlent
à notre
individualité.
Indivisible – dualité, invisible- particularité.
Vous
ne pouvez pas tout voir, tout n'est pas dans l'espace que vous pensez
consacré. Vous ne pouvez tout voir et pourtant semblez vous encore
ignorer ?
Que ce passe t il à ce
minuit, mi-nuit, au clair
obscur de l'histoire ?
Il nous faudra s'en doute inventer,
deviner.
Alors le novice devra demain deviner...Découvrir,
découvrir, recouvrir. Expérimenter. Risque le doute pour le doute,
se tenir sur la corde raide, n'être retenu qu'à un fil. Ce fil
tramerait il le chemin de toute pensée?
Il
serait présomptueux de vouloir penser, réfléchir dans sa totalité cette exposition.
C'est une mise en réseau de propositions.
La proposition de Sarin
est de provoquer notre imagination et il y parvient.
« Si
le but est important, le chemin emprunté pour y arriver l'est tout
autant ». Et au détour de ce chemin quelques âmes viennent
notre regard libérer. Chacun trouvera son chemin, chacun se perdra,
erra, touchera et sera touché, détouré,
projeté, et parfois rejeté.
Objets
suspendus qui ne sont là qu'élévation de nos questions.
Surprises
donc, formulation invisible d'un dialogue incessant entre l'ombre de
la pensée et la lumière de l'esprit. C'est
une expérience qu'il faut tenter.
Au
devenir, nos poids ne seraient-il pas que de simples points de suspension ?
Voilà comment on pourrait formuler toute question.
Astrid
Shriqui Garain, avril 2017.
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