mardi 11 avril 2017

Un minuit que jamais le regard, là ne trouble, Edgar Sarin au Collège des Bernardins- Paris



« profaner, c'est restituer à l'usage commun ce qui a été séparé dans la sphère du sacré », écrit Giorgio Agamben.  

Profane est celui qui ignore. Il y a un peu de cette résonance là, de cet air là,  dans l'exposition d'Edgar Sarin. 

Peut-on parler d'exposition d’ailleurs. Exposer c'est faire connaître. Mais considérant la demande de l'artiste faite au public, à notre commun de mortels, je garde le terme : exposition. 

Jeu exploratoire, jeu de cache cache, coulisse, antre préparatoire. L'initiateur nous expose.

L'objet du regard poursuit son sujet. 


Exposition, expérience presque divinatoire. 
Le lieu, le collège des Bernardins, est un espace consacré. 

Exposer, prendre le risque. 

«  une exposition n'a de sens que lorsqu'elle met simultanément son initiateur et le visiteur en péril" . 

Dialogue entre l'initié et le novice. 

L'ancienne sacristie dans laquelle se tient l'espace est à l'origine un lieu de coulisses où les prêtres se préparaient avant les célébrations. Lieu d'initiation donc.  

Initiation : l'espace de notre réflexion. 



Cette exposition est mouvante, elle s'inscrit dans un espace temps qui lui est consacré. 

 Chaque semaine, Edgar Sarin invite quelques personnes choisies à s'enfermer dans la sacristie. 
Ensemble ils redonnent à l'espace un nouvel équilibre, ôtent, déplacent, transforment, élaborent.

Ces moments de concert-ation sont pris en notes. Notes enterrées après avoir été enfermées dans des capsules hermétiques en laiton , dans un lieu tenu secret, notes qui seront déterrées dans cent ans et versés aux archives du Collège.

Le temps donc. Archélogie préparatoire de la mémoire. Acte de Présence

Edgar Sarin est ingénieur,poète, plasticien, musicien et l'on ne peut rien soustraire. 

Forces, poids, contre poids, lignes et coulées.


Objets dit « anodins », communs, quotidiens, et qui se révèlent à notre individualité. 
Indivisible – dualité, invisible- particularité.

Vous ne pouvez pas tout voir, tout n'est pas dans l'espace que vous pensez consacré. Vous ne pouvez tout voir et pourtant semblez vous encore ignorer ? 

Que ce passe t il à ce minuit, mi-nuit, au clair obscur de l'histoire ? Il nous faudra s'en doute inventer, deviner. 


Alors le novice devra demain deviner...Découvrir, découvrir, recouvrir. Expérimenter. Risque le doute pour le doute, se tenir sur la corde raide, n'être retenu qu'à un fil. Ce fil tramerait il le chemin de toute pensée? 


 
Il serait présomptueux de vouloir penser, réfléchir dans sa totalité cette exposition.  
C'est une mise en réseau de propositions. La proposition de Sarin est de provoquer notre imagination et il y parvient. 

«  Si le but est important, le chemin emprunté pour y arriver l'est tout autant ». Et au détour de ce chemin quelques âmes viennent notre regard libérer. Chacun trouvera son chemin, chacun se perdra, erra, touchera et sera touché, détouré, projeté, et parfois rejeté.

Objets suspendus qui ne sont là qu'élévation de nos questions.

Surprises donc, formulation invisible d'un dialogue incessant entre l'ombre de la pensée et la lumière de l'esprit. C'est une expérience qu'il faut tenter.
Au devenir, nos poids ne seraient-il pas que de simples points de suspension ?
Voilà comment on pourrait formuler toute question. 





Astrid Shriqui Garain, avril 2017.


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