lundi 26 juin 2017

peut-être toi



                                 USA. North Carolina. Wilmington. 1950. 
                               © Elliott Erwitt / Magnum Photos



Peut-être toi 
 
en corps à ce pavillon bleu,

le squate d'un ange dans l'horizon

d'une ville coupée en deux

cet arbre dans un arc floral

d'une forêt à ce silence qui se balance

aussi vitre

que le vent pousse des papiers crasseux

c'est un trousseau de clés qui fait noce

en quatre pas de deux

des mains qui font pinceaux à un carrefour en losange

un train qui gueule son rail à la grille d'une horloge

qui s'arrange un petit peu avec un soleil qui repose

la terre
sur cinq lettres de feu
comme une éponge sur la gueule des dieux

un pigeon chiant comme une madone

un hanneton en chemise blanche

qui donne des ailes au 105
Peut être toi

cet ours gris qui court comme on sourit

à cet arrêt qu'on choisit pas
et qui rend dingue

Peut être toi, aujourd'hui et
demain comme hier
ici, avant ou plus bas
et toutes les semaines

qui ne sont pas prêtes à être les dernières
peut-être toi

le rêve de l'enfant dans la tête de ce cheval

sous le pont des vitrines
cet oiseau
qui renverse une cage et s'élance comme un éclair

dans le détroit d'une mer noire
peut être toi

ces mots qui tendent vers la foule
les mains offertes

à ce jaune désert , dans un aéroport,
pour cette orange amère,
peut-être toi

ce navire si grand et trop rapide

qui dépasse du champs, qui déborde du cadre

ou cette lettre sur le banc,

cette porte ouverte comme sur un port,

à cette adresse qui s'efface,
à cette enfant sur le sable

et puis la ville qui porte une abeille

à son rubis végétal

Peut être toi en corps 
 
ces drapeaux-jours, cette lanterne d'or, ce bateau-mouche

le cliquetis d'une pluie comme une liste de courses

une phrase sans sa suite, un chien sans ses liens,

ce vélo qui ferraille, un piano qu'on déballe, cette roue qui s'emballe
peut-être toi blotti
dans son juillet de paille

au prochain hiver qui refait à neuf sa pagaille

le désordre des fleurs 

ou l' odeur de nos heures pour la sueur des livres
la poésie sait peut être ça ? 
 
peut être toi, et rien que ça 
 
toi 
et tout à la fois 
 
de la pierre au jardin et de tes pas vers les miens

la poésie sait quoi.

c'est quoi ?

C'est pour ça et comme le reste

La poésie sait ce qu'on regarde
alors demain peut être 

en serai-je  là.


Astrid Shriqui Garain, "peut -être toi" . 

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